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L'Allemagne devrait-elle avoir des armes nucléaires?

Steve Jurvetson/Flickr

L'Allemagne devrait-elle avoir des armes nucléaires?

Pendant des décennies en Allemagne, parler d'armes nucléaires était un sujet tabou. Aujourd'hui, c'est nécessaire.

Lorsque l'Allemagne était en ruines après la Seconde Guerre mondiale, les Américains l'ont ramassée et l'ont remise sur ses pieds. Alors que l'Union soviétique surgissait pendant la guerre froide, l'Amérique protégeait l'Allemagne de l'Ouest avec la menace d'une guerre nucléaire contre les Soviétiques. Le chancelier de l'Allemagne de l'Ouest Konrad Adenauer, cependant, était incertain si les États-Unis risqueraient réellement l'annihilation mutuelle afin d'arrêter une invasion soviétique de son pays. Il a déclaré à son Cabinet, en septembre 1956, qu'il voulait que l'Allemagne de l'Ouest développe la capacité de se défendre, « d'atteindre ... aussi rapidement que possible, la chance de produire des armes nucléaires ».

L'homme d'État français Charles de Gaulle a mis un terme à ces idées lorsqu'il est devenu premier ministre en 1958. La simple mention d'un débat nucléaire est devenue tabou depuis des décennies. Néanmoins, la guerre froide a amené des bombes nucléaires américaines B-61 sur le sol allemand dans le cadre d'un arrangement « partage nucléaire ». Les bombes seraient contrôlées par les forces américaines et déployées uniquement en temps de guerre par des chasseurs-bombardiers spéciaux Tornade.

L'aversion pour tout type d'armes nucléaires en Allemagne était si forte qu’en 2009—plus de six décennies après que la dernière bombe allemande explosa lors de la Seconde Guerre mondiale—la coalition gouvernante de l’Allemagne a révélée que l'un de ses objectifs était de retirer ces B-61 américains du sol allemand.

Avec quelle rapidité les choses changent. Aujourd'hui—tout à coup—le sentiment est complètement différent. Les Allemands envisagent ouvertement de construire leurs propres armes nucléaires.

Débat Publique

Bien que le public soit encore sceptique de donner à la Bundeswehr les armes les plus meurtrières sur Terre, les médias influents des deux côtés du spectre politique ont publié des éditoriaux incitant les citoyens et leurs dirigeants à reconsidérer.

Le 28 novembre 2016, Frankfurter Allgemeine Zeitung, un journal à tendance conservatrice de l’Allemagne avec la plus grande diffusion à l'étranger, a publié un article d'opinion intitulé « L’absolument inimaginable ». Le coéditeur Berthold Kohler a déclaré que la route « simple, comme par le passé » ne pouvait pas continuer. La retraite des États-Unis et l'avancée de la Russie et de la Chine signifient que le continent change, dit-il, et que l'Allemagne ne peut plus compter à établir « la paix sans les armes ».

Une nouvelle voie doit être tracée, a souligné M. Kohler : l'une avec «des dépenses plus élevées pour la défense», le retour du «service militaire obligatoire» et un nouveau débat sur les armes nucléaires. Il a écrit que bien que cela semble «complètement inconcevable» à l'esprit allemand, l'Allemagne doit se poser la «question au sujet de notre propre dissuasion nucléaire».

Kohler et beaucoup d'autres ont la réponse à cette question déjà à l'esprit.

Plus tôt dans le mois, Spiegel Online, l'un des sites d'informations gauchistes les plus lus en Allemagne, a publié un article anticipant la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines. Ulrich Kühn, de la Bourse de Sécurité Nucléaire de Stanton, a décrit la pièce en imaginant « la possibilité que l'Allemagne obtienne ses propres armes nucléaires si l'otan devait se dissoudre après le retrait de l’alliance par l'administration Trump ».

À peu près à la même époque, Roderich Kiesewetter, un politicien de l'Union démocratique chrétienne et ancien officier de l'état-major général de la Bundeswehr, a fait des remarques semblables dans une interview accordée à Reuters : « Si les États-Unis ne veulent plus fournir cette garantie [nucléaire] », a-t-il déclaré, « L'Europe a toujours besoin d'une protection nucléaire à des fins dissuasives » (le 16 novembre, 2016). Kiesewetter est également vice-président du Sous-comité pour le désarmement, le contrôle des armements et la non-prolifération.

Les Allemands ne sont pas les seuls à vouloir que l'Allemagne ait ses propres armes nucléaires. Écrivant dans le National Interest, l'ancien assistant spécial du président Ronald Reagan et l'associé principal à l'Institut de Cato, Doug Bandow, a encouragé l'idée. « Plutôt que de s'attendre à ce que les États-Unis fournissent la dissuasion nucléaire de l'otan, les nations européennes devraient envisager d'accroître leurs arsenaux nucléaires et de créer une force nucléaire continentale », a-t-il écrit (le 13 janvier).

Même la Pologne, une victime de l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, est d’accord. L'éminence grise du gouvernement, Jarosław Kaczyński, a déclaré à Frankfurter Allgemeine Zeitung que la Pologne « accueillerait une superpuissance nucléaire de l'UE ». Kaczyński n'est pas le président ou le premier ministre, mais des sources comme Politico le considèrent comme l'homme le plus puissant en Pologne—« c'est Kaczyński qui prend la décision finale ». L'Europe doit être « prête pour des dépenses énormes », a déclaré Kaczyński. « Une unité atomique distincte devrait être en mesure de rivaliser avec la Russie. »

Se faire confiance

Alors que les politiciens dominants de l'Allemagne ne sont pas encore d’accord avec l'idée des armes nucléaires, ils sont clairement préoccupés par la façon de faire face aux menaces croissantes à la sécurité européenne. L'ancien vice-chancelier Joschka Fischer, qui appartient au Parti Vert gauchiste, a fait appel à l'Allemagne d’abandonner son rôle pacifiste. « À en juger par les déclarations passées de Trump sur l'Europe et ses relations avec les États-Unis, l'UE devrait se préparer pour des chocs profonds », a-t-il déclaré.

Il n’y a aucun doute que Donald Trump, en tant que président de l'Amérique, est un facteur dans cette discussion. Cela a secoué la confiance des Européens en Amérique comme leur bouclier nucléaire.

Les commentaires contradictoires du président Trump sur la question nucléaire n'ont pas aidé. Sur la prolifération nucléaire, il a pris les deux côtés. Lors d'un débat de mairie cnn tenue au cours de la campagne, le candidat Trump a déclaré que la prolifération nucléaire « allait se produire de toute façon ». Il a également déclaré au New York Times : « Si le Japon avait une menace nucléaire, je ne suis pas sûr que ce serait une mauvaise chose pour nous. » Neuf mois plus tard, dans une entrevue avec le Bild de l’Allemagne et le Times de Londres, il a dit : «Je pense que le nombre d’armes nucléaires devraient être beaucoup plus bas et réduit substantiellement. »

Dans la même entrevue, M. Trump a répété son affirmation selon laquelle « l'otan avait des problèmes .... Premièrement, il était obsolète, parce qu'il a été conçu ... il y a plusieurs années. Deuxièmement, les pays ne paient pas ce qu'ils sont censés payer. » Pourtant, le secrétaire de la Défense, James Mattis, s'est opposé à la position du président, affirmant que les États-Unis ont un « engagement inébranlable envers l'otan ». Ainsi, l'UE doit choisir qui croire : le président Trump qui est pour la prolifération nucléaire, le président Trump qui est pour le désarmement, ou les conseillers du président Trump.

Une alternative est que les nations européennes commencent à se faire confiance—et cela semble être leur choix.

Même la chancelière allemande, stable et recueillie, Angela Merkel, a reconnu la nécessité de ce changement. Spiegel Online a écrit dans « La fin de l'ordre mondial comme nous le savons ? » que dans l'UE, « les préoccupations sur le retrait possible de l'Amérique ont accéléré les choses qui depuis des années semblaient peu plausibles » (le 4 janvier). Ils ont ensuite cité Merkel : « Je dois dire que, dans quelques mois seulement, une quantité considérable de coopération a eu lieu ».

Résistance publique

Ceux qui s'opposent à un programme nucléaire allemand, et même à l’accord actuel de partage d'armes nucléaires en Allemagne, font ressortir clairement l'opinion publique contre elle. Les sondages du début de 2016 montrent que 93% des Allemands veulent que les armes nucléaires soient interdites.

Il est à noter que le gouvernement allemand n'était pas parmi les 113 pays qui ont voté pour négocier une interdiction nucléaire à l'Assemblée générale des Nations Unies l'année dernière. Selon des sondages internationaux effectués par Soka Gakkai International, 91,2% des personnes croyaient que les armes nucléaires étaient inhumaines, tandis que 80,6% étaient favorables à l'interdiction de toutes les armes nucléaires. Si le public allemand n'aime pas les armes nucléaires, il a simplement la même opinion que le reste du monde.

Bien qu'il y a une résistance considérable aux armes nucléaires en Allemagne, la discussion actuelle marque quand même un changement dramatique. Comme l'écrit Kühn dans son article « La flirtation nucléaire soudaine des allemands », «Évidemment, les flirtations nucléaires actuelles des allemands représentent une vue marginale, mais elles constituent un important signe d'alerte précoce. Ces flirtations ont été rapportées par les plus grands médias allemands gauchistes et conservateurs » (Carnegie Endowment for International Peace, le 6 décembre, 2016).

« Les points de vue extrêmes sur les questions nucléaires ne restent pas toujours en marge », a poursuivi Kühn. « Comme le démontre le cas de la Corée du Sud, les chocs extérieurs tels que les essais nucléaires répétés de la Corée du Nord en 2013 peuvent rapidement déplacer les anciennes positions marginales au centre de l'attention du public. Une fois dans le courant dominant, il peut être difficile de mettre ces sentiments au repos, en particulier lorsque les problèmes de sécurité sous-jacents subsistent. »

Depuis le premier essai nucléaire de la Corée du Nord en 2006, l'idée d'un programme nucléaire sud-coréen a gagné l’acceptation. Selon le Carnegie Endowment for International Peace, de 2013 à 2016, la couverture médiatique du débat nucléaire de la Corée du Sud a doublé. Les arguments ont été divisés presque uniformément entre les opinions pro-nucléaires et anti-nucléaires.

La Corée du Sud est un modèle démontrant comment les points de vue précédemment marginaux deviennent le courant dominant.

Les armes nucléaires déjà en Allemagne

Alors que l'Allemagne reprend son débat nucléaire, les ogives nucléaires américaines laissées par la guerre froide demeurent à la base aérienne de Büchel. La contradiction nucléaire de l'Allemagne—un pays « non nucléaire » qui possède des armes nucléaires—subsiste pour le moment.

Comme il est si commun, le passage de quelques générations a assombri la mémoire de la menace allemande pour l'Europe. Sans aucun doute, le prochain débat pro-désarmement racontera la sagesse de Winston Churchill, Charles de Gaulle et Margaret Thatcher : une menace allemande pour le monde doit être contenue. Mais Donald Trump est un genre de dirigeant différent.

Votre Bible prédit une Allemagne prééminente en Europe, pas un stabilisateur pacifiste. Pour cette raison, vous pouvez connaître l’aboutissement des débats à venir—et les résultats seront vraiment « absolument inimaginables ».

Le débat

Le 6 novembre, 2016

Spiegel Online déclenche un débat nucléaire avec un article suggérant que « Trump pourrait forcer l'Allemagne à se réarmer ».

Le 16 novembre, 2016

Un ancien officier de l'état-major de la Bundeswehr, Roderich Kiesewetter, a déclaré à Reuters que l'Europe doit envisager de développer sa propre stratégie de dissuasion nucléaire.

Le 17 novembre, 2016

Le directeur du Global Public Policy Institute de Berlin écrivit dans Foreign Affairs que les États européens peuvent « repenser leurs postures nucléaires ».

Le 28 novembre, 2016

Un coéditeur de Frankfurter Allgemeine Zeitung publia « L’absolument impensable » op-ed, en disant que les Allemands doivent se poser la question au sujet de leur « propre dissuasion nucléaire. »

Le 6 décembre, 2016

Ulrich Kühn, un collègue de Stanton pour la sécurité nucléaire, écrivit « La flirtation nucléaire soudaine des allemands » pour le Carnegie Endowment for International Peace.

Le 13 janvier

L'ancien assistant spécial de Ronald Reagan, Doug Bandow, écrivit dans le National Interest que « les nations européennes devraient envisager d'accroître leurs arsenaux nucléaires et de créer une force nucléaire continentale. »

Le 23 janvier

Tagesspiegel’s Maximilian Terhalle publia un article intitulé « L'Allemagne a besoin d'armes nucléaires ».

Le 2 février

La chaîne de télévision allemande gauchiste ARD fit appel à un « débat ouvert » sur la « bombe nucléaire allemande » dans son programme Panorama.

Le 6 février

Le politicien le plus puissant de la Pologne, Jarosław Kaczyński, a déclaré à Frankfurter Allgemeine Zeitung que la Pologne « accueillerait une superpuissance nucléaire de l'UE ». 

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