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L’alliance russe dont vous devez vraiment vous inquiéter

WIN MCNAMEE/Getty Images, MIKHAIL SVETLOV/Getty Images

L’alliance russe dont vous devez vraiment vous inquiéter

L’inquiétude sur une amitié Poutine-Trump est hors de propos. Au lieu de cela, voyez plutôt l’ordre mondial qui va être renversé par une relation différente.

Donald Trump et la Russie. C’est devenu un des romans potentiels les plus discutés de notre temps.

Les États-Unis abandonnant leurs alliés traditionnels de l’Occident et allant plutôt vers Vladimir Poutine seraient le réalignement le plus spectaculaire dans la politique mondiale depuis la chute du mur de Berlin.

Cela n’arrivera pas. L’Amérique peut essayer de s’approcher de la Russie, mais aucune alliance proche n’est possible.

Au lieu de cela, il y a une autre alliance à venir à laquelle le monde devrait vraiment prêter attention.

Une alliance de courte durée

Dans les semaines qui ont suivi l’élection à la présidence de M. Trump, les liens d’une alliance États-Unis-Russie, très anticipée, semblaient déjà se défaire. Le Conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, le plus prorusse des conseillers de M. Trump, fut renvoyé. Les États-Unis ont dit qu’ils ne mettront pas fin aux sanctions sur la Russie et qu’ils attendent que la Russie rende la Crimée à l’Ukraine.

Pendant ce temps, la Russie est retournée aux affaires comme d’habitude, violant le Traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire, et en frôlant des navires américains dans la mer Noire.

M. Trump est à peu près aussi connu pour sa cohérence que pour sa modestie, cela pourrait donc changer. Mais il y a des raisons plus fondamentales à attendre que cette détente russo-américaine échoue.

Barack Obama a commencé sa présidence avec son infâme « redémarrage » avec la Russie. George W. Bush a déclaré Poutine comme un homme à qui les Américains pouvaient se fier. L’effondrement de rires incontrôlables de Bill Clinton, lors d’une conférence de presse, en 1995 avec le président Boris Yeltsin a suggéré, à défaut de confiance, au moins une absence de crainte.

Aucun président ne commence son mandat en voulant un conflit avec la Russie. Mais aucun président récent n’en a évité un. Pourquoi ? Parce que les alliances ne sont pas basées sur l’intention ou la bonne volonté. Nous vivons dans un monde fondé sur l’égoïsme. Une alliance fonctionne si des deux côtés on obtient ce qu’on veut. L’alliance doit être dans l’intérêt personnel des deux parties.

Une alliance russo-américaine a continuellement échoué parce que ce n’est dans l’intérêt à long terme d’aucune de ces nations.

Quels sont les intérêts de ces nations ?

L’intérêt numéro un de l’Amérique, c’est d’empêcher que tout pouvoir se dresse pour la défier. Le seul endroit d’où un tel pouvoir pourrait venir, dans un avenir prévisible, c’est de l’Eurasie. « Notre inquiétude constante, en temps de paix, doit être de ne laisser émerger aucune nation ou alliance de nations en tant que puissance dominante dans aucune des deux régions du Vieux Monde à partir de laquelle notre sécurité pourrait être menacée », a écrit le professeur Nicholas Spykman, un des plus grands penseurs d’Amérique sur le sujet des relations internationales (The Geography of the Peace [La géographie de la paix]). Il faisait allusion à l’Europe sur le côté Atlantique et à l’Asie de l’Est sur le côté Pacifique.

Pendant les 70 dernières années, ce rival potentiel a été la Russie—particulièrement sous la forme de l’Union soviétique. Et donc les États-Unis se sont opposés à la Russie.

Mais la Russie n’est pas la principale inquiétude de M. Trump. La Chine est une puissance commerciale massive et assurée. L’Allemagne utilise l’euro pour dominer économiquement la zone euro. Par conséquent, s’imagine M. Trump, l’Amérique pourrait s’allier avec la puissance déclinante de la Russie et s’opposer à l’Allemagne, à la Chine et aussi à l’islam radical.

Mais que peut offrir l’Amérique pour persuader la Russie de se tourner contre la Chine et affronter l’Europe ?

L’intérêt supérieur de la Russie, c’est de dominer l’Europe de l’Est. Elle n’y a aucune frontière naturelle. C’est pourquoi la Russie pousse constamment vers l’ouest aussi loin qu’elle le peut. Historiquement, cet espace supplémentaire entre l’Europe et le cœur de la Russie a contrarié la plupart des tentatives pour conquérir la Russie.

La Russie a également un intérêt à affronter la terreur islamique et à obtenir l’accès à la finance et aux technologies occidentales.

Il existe des intérêts complémentaires et le potentiel pour une alliance. Mais le problème, c’est que le prix que la Russie pourrait avoir à demander—pour rendre utile le fait qu’elle se détourne de la Chine et de l’Allemagne—est plus élevé que ce que les États-Unis peuvent se permettre. La Russie aurait besoin d’aide pour l’atteinte de son principal intérêt : plus d’espace en Europe de l’Est.

L’Amérique ne peut pas se le permettre. L’Amérique ne peut pas être certaine que la Russie n’est plus sa principale menace. Bien que la Russie manque du poids économique de l’Union européenne ou de la Chine, elle a une formidable armée et, encore plus important, un formidable dirigeant. En soutenant la Russie, beaucoup de gens, même dans l’administration de M. Trump, craignent que les États-Unis puissent développer leur propre pire ennemi.

Une alliance avec la Russie, par conséquent, menace, en fait, l’intérêt numéro un de l’Amérique. Évidemment, M. Trump adorerait avoir la Russie de son côté sans beaucoup donner en échange. Mais, ce n’est pas de cette manière que le monde fonctionne. Ainsi, aucune alliance à long terme n’est envisageable.

Il pourrait y avoir des dispositions à court terme. Au Moyen-Orient, par exemple, l’Amérique et la Russie pourraient collaborer. Et il serait possible pour l’Amérique de faire des concessions en Ukraine et en Europe de l’Est. Mais nous ne verrons pas un réalignement mondial complet autour d’une alliance États-Unis-Russie.

La différence fondamentale, en matière d’intérêt, entre les É.-U. et la Russie a montré qu’ils se sont alliés seulement une fois dans l’histoire : lors de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait d’une forte menace pour les deux puissances, mais cela a été de courte durée, et a immédiatement cédé place à une rivalité aboutissant à la guerre froide basée sur l’arme nucléaire.

Mais il y a une autre puissance ayant davantage d’intérêts compatibles—une puissance avec laquelle la Russie s’est alliée à plusieurs reprises.

Le véritable couple de puissance

L’intérêt de base de l’Allemagne, c’est d’éviter l’encerclement—une France hostile à l’Ouest et une Russie hostile à l’Est. Cet intérêt est gardé, grâce à l’UE. L’Allemagne n’a aucune crainte d’une invasion française.

Un autre intérêt important est un marché d’export sûr pour son économie lourdement dépendante de l’exportation. Cela se voit surtout dans la zone euro. Les pays de la zone euro sont enfermés dans une devise unique et ne peuvent relever leurs taux de change. Cela signifie que les déséquilibres qui s’établiraient normalement au fil des années ne le peuvent—ainsi l’Allemagne peut exporter beaucoup plus vers ces pays qu’elle n’en importe. Cela fournit aussi à l’Allemagne une subvention de facto quand elle exporte vers d’autres marchés.

La crise migratoire et l’islam radical font du Moyen-Orient un autre intérêt important pour l’Allemagne.

La Russie et l’Allemagne ont beaucoup à gagner en collaborant. Historiquement, la Russie ne pouvait dominer l’Europe de l’Est que lorsque les puissances européennes étaient faibles, ou quand elles acquiesçaient.

Dans le même temps, les deux ont plusieurs intérêts complémentaires. Économiquement, elles vont la main dans la main. L’Allemagne a une excellente technologie et une excellente fabrication, et a besoin d’exporter. La Russie a besoin d’acheter la technologie et le savoir-faire de l’Occident. La Russie a des produits de base en matière d’énergie et l’Allemagne est parmi ses meilleurs clients. Les liens profonds de la Russie dans le Moyen-Orient la rendent le partenaire parfait pour une Allemagne qui a besoin d’endiguer la marée de réfugiés en Europe. La Russie s’est même glissée dans la crise de l’euro—ses forts liens avec les systèmes financiers cypriotes et grecs signifient qu’elle pourrait nuire ou porter son soutien aux ambitions économiques allemandes.

En outre, une alliance avec l’Allemagne n’exige pas que la Russie laisse tomber son alliance avec la Chine. Ainsi, elle a beaucoup moins besoin de l’Allemagne pour faire une telle alliance.

L’Allemagne, alors, peut se permettre de payer le prix que la Russie exige, tandis que les États-Unis ne le peuvent pas. Le calcul coût-bénéfice semble très différent.

Une alliance russo-allemande comporte tout de même des risques. Faite imprudemment, elle pourrait aliéner une bonne partie de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est. Mais faite avec soin, permettant à la Russie de développer sa sphère d’influence dans des parties de l’Europe de l’Est, elle conduirait, en fait, les pays restants vers Allemagne. L’Allemagne devrait aussi être sûre qu’elle aura été assez récompensée pour combler l’insécurité supplémentaire qui viendrait d’une sphère d’influence russe accrue.

Mais l’Allemagne, qu’elle le veuille ou non, est forcée dans cette alliance.

L’Allemagne a peu de choix

L’autre partie importante de la politique étrangère du président Trump, c’est un retrait du monde. Il croit que les États-Unis dépensent bien trop d’argent en intervenant au-delà de ses rivages.

Si l’Amérique se retire de l’Europe, l’Allemagne n’a que peu de choix, celui de passer un marché avec la Russie. Économiquement, l’UE éclipse Moscou—mais militairement, la Russie est une force redoutable. Juste maintenant, l’Europe ne pourrait tenir tête à la Russie seule. Alors que faire si on ne peut la battre ?

Écrivant pendant la deuxième moitié de la guerre froide, Hans Morgenthau, dans une récente édition de Politique parmi les nations : la lutte pour le pouvoir et la paix, expose les grandes lignes de ce qui pourrait arriver si l’Amérique se retirait de l’Europe. Les nations d’Europe sont « ambivalentes envers les États-Unis, dont elles ont besoin du soutien, mais en sont contrariées », a-t-il écrit. Si les États-Unis se retirent, ces pays « peuvent se percevoir alors comme ayant été abandonnés par les États-Unis et devoir faire face à l’Union soviétique seule, incontestable dans sa puissance militaire ». Cela, a-t-il écrit, forcerait les nations d’Europe à « s’accommoder avec la Russie ».

Si l’Allemagne le fait, cela « signifierait un changement drastique dans la distribution du pouvoir mondial », a conclu H. Morgenthau. Pour l’Allemagne, il y a « des arguments rationnels… dans le soutien à une orientation vers l’Est ».

Aujourd’hui, l’armée russe n’est pas aussi écrasante qu’elle l’était autrefois. Mais si l’Amérique se retire de l’Europe, l’Allemagne fera toujours face à un dilemme semblable.

L’ouverture de Donald Trump à une alliance avec la Russie a également rendu plus facile pour les puissances européennes de se rapprocher à la Russie. Les hauts dirigeants de l’Union sociale chrétienne allemande (CSU), faisant partie de la coalition allemande au pouvoir, sont restés proches de la Russie, en dépit des sanctions de leur nation contre elle. En 2016, le Premier ministre de l’État bavarois, Horst Seehofer, et le président honoraire de la CSU, Edmund Stoiber, ont visité le président russe Vladimir Poutine. M. Stoiber a approuvé l’élection de Donald Trump, en partie parce qu’il croyait que cela pourrait contribuer à ouvrir la porte pour des relations plus étroites entre l’Allemagne et la Russie. Le président Trump, a-t-il dit, « établira un nouveau ton dans la politique étrangère ».

Une histoire de guerre

Ces mêmes pressions qui maintenant s’élèvent en Allemagne ont mené à des alliances semblables dans le passé. De 1772 à 1795, la Prusse, l’Autriche et la Russie se sont partagé le Commonwealth lituano-polonais. À ce moment-là, la Pologne s’étendait beaucoup plus loin vers l’est qu’aujourd’hui, en incluant presque toute la Biélorussie actuelle.

Peu après, les généraux allemands ont contribué à moderniser l’armée russe. Comme Léon Tolstoï l’a noté dans Guerre et Paix, un général russe a été tellement ennuyé par le rôle de commandant joué par les Allemands dans l’armée russe qu’il aurait demandé à l’empereur s’il pouvait être promu au rang d’Allemand.

Pendant qu’Otto von Bismarck unissait les États allemands, il travaillait dur pour rester du bon côté de la Russie. Comme il a fameusement dit, le secret de la politique, c’est « de faire un bon traité avec la Russie. »

Au début du 20ème siècle, le haut commandement allemand a rejeté le conseil de Bismarck, croyant que l’Allemagne avait une chance de vaincre la Russie. La Russie s’est effondrée pendant la Première Guerre mondiale, mais l’Allemagne a perdue dans l’Occident. La chute tant de la Russie que de l’Allemagne a permis à la Pologne de devenir un État indépendant pour la première fois depuis qu’elle avait été divisée. D’autres nations plus petites ont surgi. La prochaine fois que l’Allemagne a essayé de reprendre l’Europe, elle a d’abord fait un traité avec la Russie. Le traité de Rapallo a contribué à faire l’Allemagne renaître des cendres de la Première Guerre mondiale. Puis la Pologne a été de nouveau divisée dans l’infâme pacte de Hitler-Staline, aussi connu comme le pacte de Molotov-Ribbentrop.

Bientôt par la suite, Hitler a pris Staline au dépourvu et a attaqué la Russie, une décision pour laquelle il aura, ou n’aura pas, vécu assez longtemps pour la regretter.

L’histoire entre l’Allemagne et la Russie ne prouve pas seulement que les intérêts personnels de chacune d’entre elles s’alignent mieux avec ceux de l’autre qu’avec ceux de l’Amérique. Elle prouve aussi que l’intérêt personnel est de l’intérêt personnel : dès qu’une nation croit qu’elle peut gagner plus en étant déloyale à son « allié », elle fera ainsi.

Un autre pacte Molotov-Ribbentrop

Les intérêts partagés ici sont tellement puissants que la Trompette a longtemps annoncé une nouvelle alliance entre ces deux nations.

En mai de 1962, La pure vérité—le prédécesseur de La trompette—a écrit : « Dès que l’Europe dominée par les Allemands sera complètement établie, l’Allemagne sera prête à négocier et marchander avec la Russie—et dans le dos des alliés occidentaux si nécessaire ».

« Quand un marché russo-allemand sera conclu, on pourra être sûr que la ruine des États-Unis et de la Grande-Bretagne est à l’horizon », a prévenu le même article.

Cela semble-t-il improbable ? D’éminents experts dans le domaine des relations internationales ont donné le même avertissement ! Pour H. Morgenthau, un tel marché serait « un changement drastique dans la distribution du pouvoir mondial ». Nicholas Spykman a averti que le manque de pouvoir unifié en Europe ou en Asie de l’Est « est un préalable absolu pour l’indépendance du Nouveau Monde et la conservation de la position de puissance des États-Unis ».

« Les États-Unis doivent reconnaître encore une fois, et de façon permanente, que la constellation de puissances en Europe et en Asie est une préoccupation éternelle pour eux, aussi bien en temps de guerre qu’en temps de paix », a écrit Spykman.

Sous la menace se trouve l’intérêt le plus fondamental de l’Amérique : sa propre survie.

Cette alliance russo-allemande à venir ne durera qu’aussi longtemps qu’elle aura un intérêt pour les deux parties. Historiquement, cela n’a pas duré longtemps.

« Voyez l’histoire », prévient le rédacteur en chef de La trompette, Gerald Flurry. « Chaque fois que la compétition s’intensifie entre la Russie et l’Allemagne, elles concluent un marché l’une avec l’autre—juste avant d’entrer en guerre ! » (La Russie et la Chine selon la prophétie).

Ces guerres se sont développées pour engloutir le monde, et ont tourné ces alliés de convenance l’un contre l’autre, de manière dévastatrice.

Il y a déjà de forts signes montrant que les deux côtés discutent et passent des traités. L’Allemagne a émergé, plus récemment, comme le principal opposant, en Europe, de la Russie—quoique, alors même qu’elle a rallié d’autres nations pour continuer à appliquer des sanctions, elle a continué à travailler sur des marchés de pipelines potentiellement lucratifs avec la Russie.

Mais la pression s’exerce, maintenant, sur ces deux puissances pour qu’elles collaborent encore plus étroitement—une situation qui changera rapidement le monde. 

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