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Biden donne le feu vert au Nord Stream 2

JENS BÜTTNER/PICTURE ALLIANCE/GETTY IMAGES

Biden donne le feu vert au Nord Stream 2

Bienvenue au retour de la vieille Europe, où l'Allemagne et la Russie font la loi.

Le 19 mai, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a levé les sanctions sur le gazoduc Nord Stream 2. L'administration Biden prévoit désormais de sanctionner individuellement les entités impliquées dans le projet. Depuis le 20 mai, huit entités russes ont été sanctionnées. Les entités allemandes impliquées dans le projet peuvent toutefois continuer de travailler sans subir de sanctions.

Il n'est pas clair si les sanctions sur les entités russes auront un effet quelconque—les entités sanctionnées sont des entités mineures qui n'ont peut-être même pas de relations d'affaires avec les États-Unis. Par exemple, l'une d'elles est le Service russe de sauvetage maritime.

Nord Stream 2 fut sous sanctions américaines sous l'administration Trump. Le président Donald Trump signa un projet de loi en 2019 qui imposait des sanctions sur toutes organisations impliquées dans le projet. Il démontra à quel point c'était sérieux en 2020 lorsqu'il sanctionna Fährhafen Sassnitz GmbH, une société allemande exploitant le port de Mukran sur la côte baltique de l'Allemagne. La société, détenue conjointement par un gouvernement municipal et par l'État, hébergeait des navires russes travaillant sur le gazoduc.

Les sanctions du président Trump interrompirent la construction du gazoduc, qui était dans ses dernières phases. L'élimination des sanctions par Biden signifierait que la construction pourrait reprendre. Le gazoduc est achevé à 95%. Il ne faudra donc pas longtemps avant qu'il ne devienne opérationnel.

En avril, le département de Justice des États-Unis retira son approbation pour de nouvelles sanctions contre Nord Stream 2. Il semble que Washington projetait la levée des sanctions du 19 mai.

Le Nord Stream 2 est controversé parce qu'il porte atteinte à la sécurité de l'Europe de l'Est. La Russie est un important fournisseur d'énergie de l'Europe, mais la plus grande partie de ses oléoducs et gazoducs existants traversent l'Ukraine, la Pologne, la Lettonie et d'autres pays de l'ancien bloc soviétique.

La Russie annexa la Crimée de l'Ukraine en 2014, et parraine actuellement des rebelles dans l'Est de l'Ukraine. Ces actions et d'autres encore, rendent l'Ukraine, la Pologne et les États baltes particulièrement nerveux quant aux intentions russes d'envahir ces pays.

Les oléoducs sont leurs bouées de sauvetage. Les combustibles fossiles sont l'une des principales exportations de l'économie russe. Selon le World Exports [Exportations mondiales], les combustibles minéraux (incluant le pétrole) représentent 42,1% des exportations russes. La deuxième plus grande catégorie d'exportations, les pierres précieuses et les métaux précieux, ne représentent que 9%. Si quoi que ce soit devait perturber le flux de pétrole et de gaz vers l'Europe, les flux de trésorerie de Moscou seraient gravement entravés. Ceci a empêché le président russe Vladimir Poutine de prendre des mesures trop extrêmes en Ukraine et ailleurs.

En 2005, Poutine appela l'effondrement de l'Union soviétique « la plus grande catastrophe géopolitique du 20e siècle ». Il est extrêmement fier de l'héritage de l'empire soviétique, et son objectif principal a toujours été de restaurer le statut de superpuissance de la Russie. Une façon majeure dont il l'a fait est d'engloutir plus de territoire de l'ex-Union soviétique pièce par pièce. Il l'a fait avec la Géorgie en 2008 et avec la Crimée en 2014.

Mais ceux-là sont de petits prix. Pour ressusciter l'empire soviétique, de plus grands territoires doivent suivre. Le réseau de pipelines de la Russie empêche principalement que cela se produise. Mais le Nord Stream 2 a le potentiel d'annuler complètement le problème du pipeline.

Le projet implique un gazoduc circulant sous la mer Baltique entre la Russie et l'Allemagne. L'Allemagne deviendra la nouvelle plaque tournante du gaz naturel pour l'Europe de l'Ouest. Ce gazoduc permet à la Russie d'exporter du gaz naturel à l'Europe de l'Ouest tout en mettant à l'écart l'Europe de l'Est.

Le Nord Stream 2 a donc le potentiel d'être une condamnation à mort pour l'Ukraine et la Pologne. Moscou pourrait couper leur approvisionnement énergétique et faire pression sur eux pour qu'ils se conforment aux exigences russes. Dans le cas de l'Ukraine, Poutine peut même tenter une invasion formelle.

« L'administration Biden a clairement indiqué que le gazoduc Nord Stream 2 est un projet géopolitique russe qui menace la sécurité énergétique européenne, celle de l'Ukraine et celle du flanc Est des alliés et partenaires de l'OTAN [l'Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord] », déclara un porte-parole du département d'État. « Nous continuons d'examiner les entités impliquées dans des activités potentiellement passible de sanctions et avons clairement indiqué que les entreprises risquaient des sanctions si elles étaient impliquées dans le Nord Stream 2. »

C'est-à-dire, à moins que l'entreprise se trouve être Nord Stream 2 elle-même.

M. Blinken déclara lors de ses audiences de confirmation au Sénat américain en janvier qu'il était « déterminé à faire tout ce que nous pouvons pour empêcher cet achèvement [du Nord Stream 2], les derniers cent mètres ». Il déclara, dans une entrevue du 25 mars avec Euronews, que « le président Biden… pense que le Nord Stream 2 est une mauvaise idée et un mauvais accord pour l'Europe, pour nous, et pour l'alliance ».

Pourquoi cette soudaine volte-face ?

Selon Axios, d'importants fonctionnaires de M. Biden affirment que la seule façon d'arrêter le projet est de sanctionner les entités allemandes à l'extrémité réceptrice du gazoduc. Mais les États-Unis ne veulent pas mettre à rude épreuve leurs relations avec l'Allemagne à cause du Nord Stream 2.

C'est la façon de Washington de donner à Berlin le feu vert pour aller de l'avant.

Il est facile de comprendre pourquoi Berlin voudrait faire de l'Allemagne la plaque tournante énergétique de l'Europe occidentale. Mais pourquoi est-elle prête à « conclure un accord avec le diable » pour le faire ? Pourquoi est-elle prête à mettre en péril la sécurité des pays d'Europe de l'Est—dont beaucoup sont membres de l'UE et de l'OTAN ?

Et qu'en est-il des États-Unis ? Washington déversa des milliards de dollars en Allemagne pendant des décennies par le biais du plan Marshall, de l'OTAN, et d'autres programmes. Il s'agissait de remettre l'Allemagne sur pied après la Seconde Guerre mondiale et de la protéger de l'agression russe. L'Allemagne s'est remise sur pied il y a des décennies. La Russie demeure toujours une menace expansionniste pour l'Europe. Mais l'Allemagne va toujours de l'avant avec cet accord que l'Amérique, son principal protecteur, considère comme une menace à sa sécurité.

Il semble que les loyautés de Berlin sont plus envers Vladimir Poutine qu'envers ses partenaires de l'OTAN.

Une fois que le Nord Stream 2 sera terminé, la Russie risque moins de couper les robinets vers l'Europe de l'Est. Le gaz peut quand même s’écouler vers l'Europe occidentale. Mais la France, les Pays-Bas, l'Autriche et d'autres pays pourraient avoir à passer par l'Allemagne pour en avoir. Cela donnerait à l'Allemagne à peu près autant d'influence sur l'Europe de l'Ouest que la Russie en aurait sur l'Europe de l'Est.

Vous pourriez dire que l'Allemagne et la Russie se partagent l'Europe.

Et ce ne serait pas la première fois. En 1939, l'Allemagne nazie et l'Union soviétique signaient le fameux pacte Molotov-Ribbentrop. Adolf Hitler et Joseph Staline avaient convenu de diviser des pays comme la Pologne, la Roumanie et les États baltes. Ce pacte mena directement à la Seconde Guerre mondiale.

Beaucoup espéraient que l'Europe du 21e siècle serait différente de l'Europe d'autrefois. Ils espéraient que des institutions comme l'UE changeraient l'Europe en un continent de coopération, d'intégration et de respect pour les frontières nationales. Le Nord Stream 2 ramène essentiellement l'Europe à 1939 : une Europe où l'Allemagne et la Russie font la loi, et tous le monde doit les écouter, sinon gare !

On pourrait se demander si ce « gazoduc Molotov-Ribbentrop 2 » est un signe avant-coureur d'une nouvelle crise en Europe.

Mais cela ne pourrait jamais se produire tant que l'alliance avec l'OTAN est forte, n'est-ce pas ?

« Lorsque l'Organisation du Traité de l'Atlantique-nord (OTAN) fut créée en 1949, son objectif principal était de protéger l'Allemagne désarmée et d'autres pays européens, de l'Union soviétique dirigée par la Russie », écrit le rédacteur en chef de la Trompette Gerald Flurry dans son article en 2018, « La guerre secrète de l'Allemagne et la Russie contre l'Amérique  ». « Pour accomplir cela, le traité établissait une ‘défense collective’ pour les nations membres : si un agresseur attaquait l'une d'entre elles, il y aurait guerre avec chacune d'entre elles. »

« Le Nord Stream 2 lie la Russie et l'Allemagne d'une façon qui mine l'OTAN. En fait, bien que la Russie et l'Allemagne ne le disent pas, ce projet de gazoduc a clairement pour but de détruire l'OTAN. »

Il n'est pas surprenant que Poutine veuille se débarrasser de l'OTAN. Ce fut l'un des principaux buts de Moscou depuis que l'organisation fut fondée. Mais qu'en est-il de l'Allemagne ?

M. Flurry poursuit : « Ce qui n'est pas évident est le fait que l'Allemagne veut aussi éliminer l'OTAN. »

Découvrez pourquoi en lisant « La guerre secrète de l'Allemagne et la Russie contre l'Amérique  ».

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