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Comment la Russie change le passé et déforme le présent

Sefa Karacan/Anadolu Agency/Getty Images

Comment la Russie change le passé et déforme le présent

Les défilés, les manifestations et l'homme qui s'assure que les gens ne sachent pas ce qu’ils sont réellement.

Le 17 septembre, une partie de l'Armée rouge a reçu l'ordre de traverser la frontière occidentale et de libérer l'ouest de l'Ukraine et l'ouest de la Biélorussie », raconte un des trois manuels scolaires sanctionnés par la Russie à ses jeunes lecteurs. Le problème est que ce n'était pas une libération ; c'était une invasion.

Le 9 mai était le jour de la victoire de la Russie, la fête nationale la plus importante de l'année. Les écoliers assistent à des défilés militaires et des feux d'artifice sont lancés pour célébrer la victoire de l'Union soviétique sur l'Allemagne nazie. Et si les étudiants russes croient en leurs manuels scolaires, ils célébreront aussi l'invasion de l'Europe de l'Est, sans le réaliser.

La célébration de la victoire sur les nazis est bonne, mais elle doit être couplée au contexte. Selon les enseignants de toute la Russie, les étudiants qui célèbrent la Journée de la Victoire ne reçoivent pas « toute la vérité ». Et c'est parce que les trois manuels d'histoire récemment sanctionnés par l'État « dissimulent les crimes de Staline et son alliance initiale avec l'Allemagne nazie ».

Réécrire le passé

La réécriture de l'histoire de la Russie moderne n'est pas aussi grave que celle de l'Union soviétique, lorsque Joseph Staline s’est chargé d'éditer les manuels et de marquer les manuscrits avec son propre crayon. Mais la tendance n'est pas positive.

«Sans une évaluation officielle, il n'y aura pas de base sur laquelle s’appuyer pour comprendre ce qui est arrivé à notre nation au cours des derniers siècles et décennies», a déclaré le président russe Vladimir Poutine aux électeurs en avril 2013. « L'année dernière, nous avons eu 41 manuels d'histoire recommandés pour les classes de 10e année ; cette année, nous en avons 65. Est-ce normal ? »

Depuis, l'État a commencé à publier un nombre plus restreint de manuels d'histoire approuvés par l'État.

Le dernier changement a fait passer le nombre de cinq à trois manuels pour chaque niveau scolaire. « C'est en baisse, tout comme le nombre d'heures pour l'enseignement de l'histoire. Je préférais quand je pouvais aller choisir parmi une gamme de livres selon le sujet », a déclaré une enseignante d’histoire, Elena Goubanova, à La Croix.

Août 2016 a vu une nouvelle ministre de l'éducation ayant un programme orthodoxe conservateur, Olga Vasilyeva, prendre ses fonctions. Un mois plus tard, les derniers manuels ont été publiés.

« Mon principal problème avec les manuels scolaires est qu'ils ne révèlent pas toute la vérité », a déclaré l'historien et enseignant Leonid Katsva au Moscow Times.

L'un des sujets les plus controversés, et étroitement lié avec les célébrations du Jour de la Victoire, est le Pacte Molotov-Ribbentrop de 1939. Également appelé le Pacte de non-agression germano-soviétique, il a fourni une garantie écrite que les deux pays ne s'allieront pas les uns contre les autres et diviser le territoire entre eux en «sphères d'influence». Le 1er septembre 1939, l'Allemagne a envahi la Pologne. Seize jours plus tard, Staline est entré en Pologne et revendiqua son territoire également. Les Soviétiques ont envahi la Lituanie, l'Estonie et la Lettonie, leur ont donné des fausses élections à candidats-uniques et ont installé leurs propres dirigeants préférés.

Les nouveaux manuels ont « un ton plus justifiant » concernant le pacte Molotov-Ribbentrop, Katsva a déclaré au Moscow Times :

En fait, il n'y a pas de mot « agression » dans le texte. Au lieu de cela, le livre dépeint l'invasion de l'Europe de l'Est par les troupes soviétiques comme une « libération » de la Pologne et de l'invasion nazie imminente.

Les invasions de la Lituanie, de l'Estonie et de la Lettonie sont traitées de manière similaire. Les trois pays ont tenu des élections parlementaires démocratiques—mais apparemment, les communistes sont tous parvenus à gagner.

Déformer le présent

Toute cette désinformation ne passe pas inaperçue par tous les citoyens russes. Même avec des règles interdisant les manifestations et le danger d'être arrêtés et de comparaître devant les « tribunaux » russes, des dizaines de milliers de citoyens se sont rendus le 26 mars pour protester contre la corruption présumée du Premier ministre Dimitri Medvedev.

Mais vous ne sauriez même pas que ceci s’était produit si vous ne consommiez que des médias d'État russes.

Le Moscow Times a signalé que près d'un millier de personnes ont été arrêtées à Moscou seulement. Et pourtant, la télévision d'État et même les fils de nouvelles ont essayé de garder le silence.

Lorsque les manifestations étaient en plein essor et que « la police a commencé à trainer à l’écart les gens par centaine », la principale manchette de l'agence de presse de l'État de Russie, ria, était : « Aux États-Unis, une vache qui aimait la liberté, échappe aux policiers lors d’une poursuite spectaculaire ».

Plus tard dans la journée, ria a publié le titre de fait suivant : « Des militants de l'opposition sont arrêtés lors d'une manifestation illégale ». Ce fut enterré au bas de la page d'accueil. Aucune raison n'a été donnée pour les manifestations. L’espace de la principale manchette était occupé par « Deux partisans russes de football sont agressés à Belgrade ».

Même les agrégateurs de nouvelles indépendants de la Russie sont paralysés par l'intervention du gouvernement. Yandex-Novosti est le plus grand agrégateur de nouvelles de Russie (Un équivalent russe du Drudge Report aux États-Unis). Son fil d’actualité de Moscou alimente « bien en évidence, des nouvelles de faits divers sans importance comme les bulletins météorologiques prévoyant une vague de froid ou des promotions pour la “Fête du printemps” de la ville. »

La façon dont le gouvernement russe interfère avec Yandex-Novosti est digne d’un conte provenant directement d’un roman du genre dystopique. Les bureaux gouvernementaux peuvent s'inscrire comme étant des points de presse avec l'agrégateur de Yandex. Afin de manipuler l'algorithme de Yandex, le gouvernement russe a mis en place des dizaines de sites Web de nouvelles similaires dans les villes, qui peuvent déverser en successions rapides des articles sur le même sujet. Ces volées d'articles presque identiques « truquent » Yandex en faisant croire qu'un événement médiatique intéressant a eu lieu, le promouvant et poussant les vraies nouvelles dans le flot où moins de gens les verront.

Le prince de la Russie

Même avec tout cela, la machine de propagande russe n’équivaut pas encore à celle de l'Union soviétique. Mais un puissant, type de Staline dirige le Kremlin. C'est lui qui dit aux Russes qu'il n'est pas « normal » de disposer d'un large éventail de manuels d'histoire pour enseigner—il est celui qui supervise l'effort médiatisé contrôlé par l'État pour cacher les histoires négatives.

Il est l'homme qui dit à ses citoyens que sa stratégie de lutte contre le terrorisme consiste à « détruire » les terroristes, peu importe où ils se trouvent—que ce soit dans un aéroport ou une toilette extérieure. Il pose personnellement les émetteurs satellites sur les cols de tigres sibériens sauvages (sous sédatifs, bien sûr, mais le public ne le sait pas). Ses adversaires politiques ont été arrosés dans leurs yeux avec des substances chimiques brûlantes. Des agents du renseignement ayant fait défection meurent d'intoxications radioactives mystérieuses. C'est un homme à craindre.

Lorsque la Russie change le passé et déforme le présent, le président Vladimir Poutine est l’organisateur principal. C'est la raison pour laquelle la Trompette surveille la propagande et le contrôle de Poutine avec un tel intérêt. Notre rédacteur en chef, Gerald Flurry, a récemment produit une nouvelle brochure, « The Prophesied Prince of Russia », (Le prince prophétisé de la Russie—pour le moment, seul l’anglais est disponible) qui explique comment « chaque dirigeant mondial » doit comprendre le rôle critique que Vladimir Poutine jouera dans le futur.

Poutine est appelé un « prince » parce qu'il dirige comme un autoritaire—un homme qui a le pouvoir de réécrire et de manipuler le présent. Donc, lorsque les invasions russes s'appellent des « libérations » et que les protestations reçoivent le traitement Orwell (cela n'a jamais eu lieu), regardez la source : Vladimir Poutine. Il sera l'homme qui dirigera cette puissance orientale dans certains des événements les plus dramatiques auxquels le monde sera témoin. 

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