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Erdogan, victorieux aux élections anticipées, revendique de nouveaux pouvoirs autocratiques

Jeff J Mitchell/Getty Images

Erdogan, victorieux aux élections anticipées, revendique de nouveaux pouvoirs autocratiques

La Turquie est effectivement devenue un État autocratique qui peut être dominé par Erdoğan pour la prochaine décennie.

JÉRUSALEM – Le souverain turc Recep Tayyip Erdoğan a probablement cimenté son contrôle sur la Turquie pour la prochaine décennie, en naviguant vers la victoire au cours des élections parlementaires et présidentielles de dimanche. La victoire s'achève par une transformation de la politique turque de 15 années, contrôlée et largement orchestrée par Erdoğan.

De nouveaux pouvoirs exécutifs seront transférés à Erdoğan suite à un changement dans la Constitution en 2017 qui a fait de la Turquie une présidence exécutive. Erdoğan sera en mesure de se présenter pour peut-être deux autres mandats, prolongeant ainsi son règne jusqu'en 2029.

« La nation m'a confié les tâches et les responsabilités du président », déclara Erdoğan en réclamant la victoire.

Selon le chef de l'autorité électorale turque, Sadi Guven, Erdoğan a vaincu son rival le plus proche, Muharrem Ince, avec une majorité absolue. Il a remporté 52,5% des votes lors du scrutin présidentiel, avec 99 pour cent du total des votes comptés. Lors des élections parlementaires, le Parti de la justice et du développement d’Erdoğan (AKP) et son partenaire de coalition ont remporté facilement plus de la moitié des sièges.

Le tandem du contrôle parlementaire combiné avec les nouveaux pouvoirs présidentiels, qui incluent le pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire, donne à Erdoğan un pouvoir incontrôlé et inégalé dans l'ère de la Turquie moderne.

Avec un taux de 88% de participation dans l'élection de dimanche, Erdoğan dit que « la Turquie a donné une leçon de démocratie au monde entier ».

L’ascension d'Erdoğan

Le parti d'Erdoğan, l'AKP, est venu au pouvoir en 2002. Son chef, l'ancien maire d'Istanbul, devint premier ministre de 2003 à 2014. Puis il a fait une transition vers la présidence.

Au cours des 15 dernières années, cet homme fort a supervisé un changement radical dans la gouvernance de l'État, transformant la Turquie d'un royaume où la laïcité était sacrée à celle où l'Islam domine à présent.

La Turquie est une démocratie qui fonctionne, et beaucoup de Turcs espéraient qu’Erdoğan et son parti seraient finalement démis de leurs fonctions et perdraient le pouvoir. Cependant, les deux dernières années ont vaincu cet espoir et ont assuré à Erdoğan sa place comme l’homme fort de la Turquie pour l’avenir prévisible.

Au cours de la soirée du 15 juillet 2016, des chars turcs se sont répandus dans Istanbul. Bientôt, le bang sonore des avions à réaction et le bruit sourd des hélicoptères volant au-dessus pouvaient être entendus. Un coup d'État était en cours.

L'armée avait protégé la laïcité turque pendant plus de 50 ans. En 1960, 1971, 1980 et 1997, les militaires avaient préservé l'État démocratique laïque moderne en renversant avec succès le gouvernement. En un ou deux jours, il sembla, que l'homme fort de la Turquie, de plus en plus autoritaire et islamique, n'aurait plus les clés au Palais blanc.

Mais Erdoğan réussit à échapper aux révolutionnaires alors qu'ils descendaient sur l'hôtel du littoral où il séjournait. Il est ensuite apparu sur CNN Türk, appelant ses partisans de prendre les rues et d'utiliser tous les moyens nécessaires pour arrêter l'insurrection. Le peuple obéit, défiant le couvre-feu imposé par les militaires. Des images sont rapidement apparues sur les médias sociaux montrant des hommes en civil en essayant de retenir les chars de combat, certains même se couchant devant eux comme ils avançaient. Ceci motiva encore plus les partisans d’Erdoğan à sortir en masse. Le moment emblématique du coup d'État est venu le lendemain. Ce n'était pas l'image que les militaires avaient espérée : Erdoğan menotté. Au lieu de cela, c'était l'image des soldats qui déposaient leurs armes en capitulant et qui sortaient du pont du Bosphore. La prise de pouvoir par les militaires avait échouée.

Pire que de simplement rater le coup, l'action militaire vaine donna au président la raison dont il avait besoin pour éliminer les dissidents des positions de pouvoir dans tout le pays. Depuis lors, Erdoğan a congédié 146,713 fonctionnaires de l'État, des enseignants, des bureaucrates, des universitaires et du personnel militaire. Il a arrêté 61,247 personnes, fermé plus de 3,000 écoles, universités et dortoirs, et a congédié 4,463 juges et procureurs. Pour s'assurer que la purge n'attire pas trop l'attention, il ferma 187 médias et arrêta 308 journalistes.

Avec les militaires supprimés, les médias réduits au silence, et les technocrates du gouvernement anti-Erdoğan éliminés, Erdoğan décida de s'en prendre à la Constitution turque. Le 16 avril 2017, la Turquie organisa un référendum national sur 18 amendements constitutionnels proposés par le Parti d’Erdoğan. Les réformes ont été adoptées à l'issue d'un vote serré. D'une démocratie parlementaire, la Turquie est à présent transformée en une République présidentielle, et Erdoğan peut rester au pouvoir jusqu'à 2029 s'il continue à gagner les élections successives.

Un autre homme fort

Erdoğan a resserré son emprise sur le pouvoir pendant des années, mais jamais aussi ouvertement que dans les deux dernières années. Mais étonnamment, la plupart de ses actions ont le soutien de la majorité des Turcs. Ce sont eux qui ont répondu à l'appel des minarets pour arrêter les chars sur leurs traces. Ils l'ont réélu maintes et maintes fois en dépit de ses tactiques autoritaires. Ils ont approuvé ses amendements constitutionnels. Et avec 88% de participation aux élections de dimanche, ils ont donné à Erdoğan un pouvoir inégalé et sans contrôle.

En mai, la Trompette interviewa l'ancien rédacteur en chef du plus grand quotidien de la Turquie, Zaman. L'article qui ressortait de cet entretien s'intitulait « Journaliste exilé : Méfiez-vous du changement autoritaire de la Turquie ». Dans cet article, Joel Hilliker écrit :

Cette transformation en Turquie n'est pas un hasard exceptionnel. Cela fait partie d'une tendance qui touche d'autres grandes nations. Pendant près de deux siècles, des sociétés démocratiques et libres—dirigées par l'Empire britannique et les États-Unis—ont prospéré. Mais des nations modernes, sophistiquées, riches et bien armées en reviennent maintenant à l'autoritarisme.

En Asie, Vladimir Poutine domine la Russie, Xi Jinping contrôle la Chine, Shinzō Abe rétablit le militarisme et le nationalisme au Japon, et Rodrigo Duterte méprise brutalement, sans s'excuser et vulgairement, la primauté du droit aux Philippines. En Europe, un nombre record d'électeurs élisent des nationalistes : Viktor Orbán en Hongrie, Sébastian Kurz en Autriche, Andrej Babiš en République tchèque. Au Moyen-Orient, le flash de l'optimisme au cours du printemps arabe est terminée, et la région est devenue encore moins démocratique et libre—gouvernée par des autocrates et déchirée par le tribalisme et de violentes guerres de territoire.

Par plusieurs mesures, examinées globalement, le pouvoir des gouvernements et des individus qui dirigent s'accroît, et les libertés des citoyens s'érodent. Les gens reconnaissent que le monde devient de plus en plus agressif et plus dangereux. Ils recherchent la sécurité et la protection. Et les hommes forts promettent de la leur fournir.

Pendant près de deux siècles, le monde a connu la propagation de sociétés démocratiques et libres. Le 21ème siècle, d'autre part, a vu une tendance très différente : la montée d'hommes forts et autoritaires.

C'est un développement surprenant, considérant nos sociétés libérales. Néanmoins, c'est une tendance que la Bible a prophétisé il y a des milliers d'années. 

LA TROMPETTE EN BREF

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