Recevez gratuitement notre bulletin électronique.

La connexion bavaroise

Christof Stache/AFP/Getty Images

La connexion bavaroise

Historiquement, la Bavière et les Bavarois ont énormément influencé le destin de l’Allemagne. La scène est mise pour deux Bavarois puissants afin qu’ils dominent la nation allemande—et le continent européen entier—dans le très proche avenir.

L'Allemagne fait face à un hiver de mécontentement extrême. Les six principaux instituts économiques en Allemagne ont déclaré que la nation entre en récession. Courant octobre, les prévisions de croissance pour la prochaine année ont été révisées à la baisse de - 0,3 pour cent à - 1,2 pour cent. Cette crise économique en Allemagne, aggravée par sa principale retombée—la montée en flèche du chômage—s’est développée comme le principal souci politique intérieur.

L’échec des tentatives de l’ancien Chancelier Gerhard Schröder en vue d’obtenir soit l’appui des politiques, soit celui du public, pour des réformes structurelles nécessaires à l’économie allemande, l’a conduit à rechercher un vote de confiance de son gouvernement en mai. Comprenant qu’il perdrait ce vote, le chancelier a sciemment forcé les électeurs allemands à aller aux urnes, et à voter pour un gouvernement de leur choix.

Le résultat fut une impasse, avec le leader de l’opposition, Angela Merkel, de l’Union Démocratique Chrétienne (cdu) revendiquant la chancellerie avec une majorité extrêmement faible, et G. Schröder refusant, dans un premier temps, de se désister. La main forcée, Schröder céda finalement après des sessions à huit-clos avec les leaders du parti. Des efforts visant à rassembler une grande coalition des partis politiques rivaux ont suivis. Cela s’est avéré être une débâcle.

Des gens peu connus furent soudainement propulsés au premier rang de la politique allemande, alors que des membres du parti ratissaient leurs rangs dans un semblant de leadership pour tenter de bricoler ensemble une transaction viable avec laquelle diriger efficacement le pays.

Avant novembre, le leader du parti de G. Schröder, Franz Müntefering, démissionna de la direction des Sociaux-démocrates (spd). L’associé conservateur de la coalition de A. Merkel, le dirigeant bavarois Edmond Stoiber, fit ensuite ses valises, se retira de la mêlée et retourna, temporairement, à son état de la Bavière pour observer le résultat du fiasco politique de Berlin dans les coulisses.

Un jour plus tard, E. Stoiber était à Rome pour une audience précédemment prévue avec le Pape bavarois Benoît xvi. Avec des experts des médias l’accusant de lâcheté politique, et d’autres déclarant que sa carrière politique fédérale était finie, E. Stoiber a dû certainement rire tout au long du chemin vers la Cité du Vatican. On a affaire avec un politicien dur, dont le but est beaucoup plus élevé que l’arène de Berlin. La vision de E. Stoiber est paneuropéenne, et a un soutien spirituel fort.

Un calice empoisonné?

Il se peut que les experts se soient grattés la tête en se demandant pourquoi Edmond Stoiber a laissé ce qui semblait être, en surface, une position de premier ordre à partir de laquelle il pourrait accentuer sa poussée vers le leadership en Allemagne. Il avait déjà été pronostiqué comme le réel pouvoir derrière le trône dans toute grande coalition future. Tout au moins aurait-il pu attendre son heure, guettant le premier faux mouvement politique majeur de A. Merkel dans ses fonctions de chancelière, pour ensuite frapper et s’emparer du leadership. La chancelière proposée, disposant d’une si mince base de pouvoir, aurait été de la viande facile pour le «pit-bull» bavarois.

Cependant, un tel scénario ignore trois faits très essentiels, chacun se rapportant très directement à la vision d’Edmond Stoiber quant à son propre avenir politique.

D’abord, E. Stoiber avait fait savoir, plus tôt, qu’il convoitait la position de ministre des Affaires étrangères. Après les négociations à huit-clos entre les leader du parti, alors qu’ils cherchaient l’accord sur le partage des portefeuilles politiques, seuls deux ministères étaient annoncés comme ayant été décidés—les fonctions de chancelière (A. Merkel) et le Ministère de l’Économie (E. Stoiber). À ce point, bien que la distribution des portefeuilles ministériels ait été consentie, dans les termes de tel parti obtenait tel ministère, aucun autre nom n’a été publiquement attaché à l’un d’entre eux.

À l’époque, sur notre site Web, theTrumpet.com, nous avons écrit que le Ministère de l’Économie était un calice empoisonné. Quiconque recevait ce poste pourrait connaître la même fin que le Chancelier Schröder. Étant donné l’état moribond de l’économie allemande, des réformes structurelles nécessaires pour stimuler la croissance vont entailler profondément les hauts salaires en Allemagne et l’état de la protection sociale. Comme G. Schröder l’a découvert, c’est une affaire extrêmement dure à vendre au Parlement, sans parler du public. Les réformes de l’économie allemande feront des entailles profondes, et causeront un mal réel, aussi bien sur le plan gouvernemental, sur le plan des entreprises qu’au niveau personnel. L’Allemagne est devenue grasse et douce pendant les décennies antérieures, du fait qu’elle était le puissant moteur de l’économie collective européenne. Les réformes profondes, qui sont nécessaires, viendront avec un contrecoup politique et publique significatifs.

La question qui doit être posée est celle-ci: Le pit-bull de Bavière s’était-il délibérément chargé de ce portefeuille dans l’espoir de forcer son échec politique, et d’enlever toute menace à A. Merkel?

Stoiber est franc au point d’accuser les Allemands de l’Est d’être moins intelligents que leurs homologues de l’Ouest. A. Merkel est originaire de l’ancienne Allemagne de l’Est. E. Stoiber n’a pas été jusqu’à critiquer sévèrement son associée conservatrice de la coalition, même pendant sa campagne électorale qu’elle a dirigé avec lui alors qu’elle était son député. (C’était un renversement complet de l’élection de 2002, quand E. Stoiber, se présentant avec A. Merkel en tant que son député, était coiffé au poteau par G. Schröder pour les fonctions de chancelier.)

E. Stoiber est certainement assez astucieux politiquement pour s’être rendu compte suffisamment tôt que la voie par laquelle la grande coalition émergeait était destinée à l’échec. Détenir un portefeuille important dans une telle situation ne fait aucun bien à la carrière politique de quelqu’un, particulièrement quand le portefeuille détenu imposait la tâche la plus impopulaire de la politique allemande d’aujourd’hui.

Il est aussi possible que E. Stoiber ait bien pu s’être rappelé que son mentor politique, Franz Josef Strauss—lui aussi Bavarois—était, par principe, contre de telles grandes alliances politiques alors que les partis adverses essayaient de se réunir à Berlin. Rappelant les discussions avec le Chancelier Adenauer en 1949, F.S. Strauss faisait remarquer: «Par principe je suis contre cette idée d’une grande coalition … J’ai pris position contre cela. Les arguments que j’ai alors utilisés sont, je pense, toujours valables» (Le grand dessein: une solution européenne à la réunification allemande, 1965).

F.S. Strauss indiquait alors que le problème de base, interdisant la formulation d’une grande coalition, était l’absence d’un dénominateur commun dans la politique économique. Comme il en était alors, ainsi il en est aujourd’hui. Il se peut bien que les paroles de Franz Josef Strauss aient résonné comme des signaux d’avertissement dans l’esprit de Stoiber!

Une vision élargie

Il se peut bien qu’une deuxième raison au retrait de E. Stoïber ait eu un rapport avec sa vision politique élargie. Vif partisan du retour des Sudètes à Allemagne, et fort promoteur de la prise progressive du contrôle commercial et des entreprises de la Pologne par des intérêts allemands, Stoiber est fermement engagé dans le grand dessein pour l’Europe, proposée par F.S. Strauss, son mentor. Voici un politicien modelé, pour ce moment de l’histoire, par un Bavarois qui a présagé l’avenir d’un continent européen dominé par un Allemand, avec une puissante emprise mondiale.

F.S. Strauss a façonné la politique de l’après-guerre en Allemagne comme aucun autre politicien ne l’a fait depuis. Il a eu une énorme influence sur l’opinion publique durant toute sa carrière politique. En adversaire farouche des libéraux, F.S. Strauss a modelé politiquement Edmond Stoiber dans le même moule ultraconservateur, tout comme lui-même. Ainsi la vision que E. Stoiber a héritée va bien au-delà des limites de son propre état bavarois. Elle s’étire au-delà de l’Elbe, du Danube et du Rhin vers les étendues les plus éloignées du continent européen. Telle une entreprise, c’est une vision mondiale—avec son centre politique en Allemagne et son cœur spirituel à Rome.

Nous pouvons ainsi déduire que Edmund Stoiber était loin d’être satisfait quand il faisait face à l’intransigeance du Ministre des Finances du spd, Peer Steinbrück. Pendant les pourparlers de la coalition, la cdu et le spd étaient d’accord sur le fait que le ministère de l’économie étendu de E. Stoiber devrait comprendre de grandes compétences de l’Union européenne, le plaçant ainsi dans une position plus puissante que la seule tenue d’un portefeuille de nature intérieure. Cela aurait donné à E. Stoïber une influence considérable dans l’ue sur la politique économique collective de celle-ci. Cependant, P. Steinbrück a résisté au changement des domaines politiques que son ministère avait autrefois pour qu’il n’en soit pas attribué d’autres à celui de E. Stoiber. Il se peut que cela ait été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la grande alliance pour Stoïber. Si le leader bavarois doit se déplacer à Berlin, ce sera pour une position qui portera son pouvoir au-delà des étendues de l’Allemagne.

La route vers Rome

Il se peut que la troisième raison qui ait inspiré E. Stoïber de s’extraire de la mêlée de Berlin ait eu un rapport avec son catholicisme profondément enraciné. En catholique romain engagé, E. Stoïber a fait un pied-de-nez à la législation allemande cherchant à interdire les symboles religieux dans les écoles nationales, et s’est assuré qu’il y ait un crucifix dans les bâtiments scolaires de toute la Bavière. Il est très conscient du fait que le présent pape est originaire de la Bavière. Cet attachement religieux et culturel est un lien qui lie le destin de ces deux Allemands.

«Le Pape Benoît xvi a rendu hommage au patrimoine culturel de sa Bavière natale, le 3 novembre 2005, alors qu’il rencontrait une délégation de parlementaires du CSU, conduite par le personnage principal du land, Edmund Stoïber. La Bavière, a dit le Pape, ‘unit un héritage de générosité et une harmonie religieuse riche: éléments qui tiennent une réelle promesse pour l’avenir’» (Catholic World News, du 3 novembre; c’est moi qui accentue tout au long).

Ce pape ne manie pas les mots à la légère. Cette déclaration est chargée d’un message pour l’avenir.

Avec à l’esprit une économie de haute technologie couronnée de succès pour la Bavière, le plus économiquement viable parmi tous les états en Allemagne, le pape a continué: «Cet avenir … lance ‘des défis sociaux et économiques difficiles’, et comme la science crée de nouvelles possibilités, il faut que les leaders soient prudents pour faire les choix appropriés … Parlant en allemand, le Pape a dit que la technologie devrait être évaluée dans la structure d’une tradition philosophique qui fait aussi partie de l’héritage bavarois. Il a fait allusion à son propre mandat comme professeur de théologie à l’Université de Regensburg, et a dit que le peuple de Bavière devrait encourager aujourd’hui la fondation intellectuelle d’une traditionqui reflète les noms d’Athènes, de Jérusalem et de Rome’» (ibid.).

Cette tradition, pour tout étudiant de l’histoire, témoigne d’un grand amalgame qui est devenu un empire, et qui a eu de l’emprise dans ce monde à plusieurs reprises, durant les deux millénaires passés—le Saint Empire romain! Philosophiquement, cet empire, toujours réanimé, a soudé la pensée païenne de la Grèce et de Rome ensemble, sous une religiosité empruntée à Jérusalem, pour devenir la plus puissante des forces spirituelles et politiques dans toute la civilisation.

Nous déclarons que ce vieil empire s’élève de nouveau. À présent même, alors que l’Europe (l’Allemagne en particulier) semble, en surface, dans un grand désordre, des forces puissantes sont à l’œuvre à Bruxelles, à Berlin, à Rome et, dirons-nous, en Bavière—forces qui sont destinées à continuer à former la géopolitique de l’Europe et du reste du monde, dans un ordre à l’intérieur duquel, encore une fois, la politique la plus influente émergera de l’Allemagne, et l’influence spirituelle la plus puissante de Rome.

Gardez les yeux sur Edmund Stoiber. Observez ses relations se développer avec Rome. L’Allemagne et l’Europe attendent encore un leader puissant avec la vision politique et le soutien spirituel qu’il faut pour unir les états-nations du Continent, pleins de hargne, dans un énorme conglomérat destiné à gouverner ce monde seulement encore une fois—le Saint Empire romain

Ger Fr