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La conquête des Balkans par l’Allemagne est presque terminée

La conquête des Balkans par l’Allemagne est presque terminée

Berlin termine en 2023 ce qu’elle a commencé en 1991.

« Ce qui se passe en Croatie va largement au-delà des frontières de cette petite nation. C’est si choquant que les nations de ce monde seraient paralysées de peur si elles comprenaient vraiment ! […]  Il y a quelque chose de très sombre et sinistre qui se réveille en Europe . Ce qui se passe actuellement en Croatie n’est qu’un petit aperçu de ce qui est sur le point de se propager dans tout le Continent ! C’est le catalyseur qui déclenchera l’unification de toute l’Europe. »

Le rédacteur en chef de la Trompette, Gerald Flurry, a écrit ces mots pour notre numéro de janvier 1999 au sujet des guerres de Yougoslavie (alors en cours). Les guerres de Yougoslavie ont commencé lorsque la Croatie a déclaré son indépendance de la Yougoslavie en 1991. Les troubles se sont rapidement propagés à d’autres endroits, notamment en Slovénie, en Bosnie et au Kosovo. Comme le reste des médias du monde, notre attention a été braquée sur le chaos dans cette région de l’Europe de l’Est. Mais la couverture par la Trompette était différente de celle de tous les autres. Une bonne partie du monde se concentrait sur les actions de la Serbie, de la Russie et des États-Unis. Pour la Trompette, les deux endroits à surveiller étaient l’Allemagne et le Vatican. M. Flurry avait prédit que ce qui se passait en Croatie était le début d’une Europe unie, dominée par l’Allemagne et influencée par le Vatican, et qui contrôlerait la région.

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Plus de trois décennies plus tard, l’analyse de M. Flurry s’est avérée exacte. Avançons jusqu’en 2023, et la boucle est bouclée. La Yougoslavie en tant que pays est une relique de l’histoire, et la Croatie est désormais pleinement intégrée à l’Union européenne. Depuis le 1er janvier de cette année, elle est devenue le 25e pays au monde à adopter l’euro comme monnaie. Elle est également devenue le 28e pays à rejoindre l’espace sans frontières de Schengen. Tous les contrôles aux frontières terrestres et maritimes entre la Croatie et les autres pays de l’espace Schengen ont été supprimés. La fin des contrôles dans les aéroports est prévue pour le mois de mars.

Pourquoi est-ce si important ? Après tout, la Croatie est membre de l’UE depuis des années maintenant. Et les Serbes et les Croates se seraient entretués avec ou sans l’implication de l’Allemagne. Pour comprendre l’importance des guerres yougoslaves, il faut s’appuyer sur le contexte historique. Les grains de ce qui s’est passé en Croatie ont été semés dès la Seconde Guerre mondiale.

Carnage en Croatie

En 1941, le régime nazi d’Adolf Hitler a envahi et conquis la Yougoslavie. L’Allemagne et ses alliés ont annexé diverses parties du pays. Mais la Croatie—à laquelle on avait donné des parties de la Bosnie—a été « libérée ». Hitler a donné le pays aux Oustachis, un Parti fasciste croate local. Cet État indépendant de Croatie (NDH) a gouverné les Balkans occidentaux jusqu’en 1945.

Pendant ces années, les Oustachis ont essayé de nettoyer ethniquement leur royaume de toute personne qu’ils estimaient indésirable. Et ils ont été impitoyablement efficaces. Les estimations varient quant au nombre total de victimes des Oustachis. L’historien Robert Paxton, dans The Anatomy of Fascism (L’Anatomie du Fascisme), donne une approximation moyenne : « [M]ême les observateurs nazis ont été consternés par les carnages désordonnés au cours desquels les Oustachis ont massacré un nombre sobrement estimé à 500 000 Serbes, 200 000 Croates, 90 000 Musulmans de Bosnie, 60 000 Juifs, 50 000 Monténégrins et 30 000 Slovènes.»

Il convient de mentionner le camp de Jasenovac, un camp de concentration et de mort dirigé non pas par les Allemands mais par les Croates de 1941 à 1945. Les estimations du nombre de personnes assassinées dans ce camp varient. Une conférence organisée en 2021 à l’université d’Uppsala, en Suède, a estimé que le nombre de victimes du camp de Jasenovac se situait entre 90 000 et 130 000 victimes. Et les méthodes d’exécution et de torture étaient brutales. Les Oustachis jetaient les gens vivants dans des fours crématoires. Les gens étaient massacrés à l’aide de scies, de marteaux et d’autres instruments. Les hommes avaient les globes oculaires arrachés. Les femmes avaient les seins coupés.

Les Oustachis ont créé Jasenovac en août 1941, près de six mois avant que les nazis n’aient conçu des plans pour des camps en Pologne, tels qu’Auschwitz et Treblinka. Les plans de ces camps, tristement plus célèbres, ont été officialisés en janvier 1942. On peut donc dire que la Croatie a créé le prototype du camp nazi de la mort.

Les Serbes étaient les principales cibles des Oustachis. Les Croates sont traditionnellement catholiques, et l’un des principaux objectifs de la NDH était de catholiciser la nouvelle Croatie. Les Serbes—dont beaucoup vivaient à l’intérieur des frontières de la NDH—sont traditionnellement orthodoxes orientaux. Les Oustachis considéraient les Serbes comme des hérétiques dont il fallait s’occuper. Ils ont conçu un plan pour exterminer un tiers de la population serbe de Croatie, expulser un autre tiers vers la Serbie proprement dite (qui était sous occupation allemande) et convertir de force un autre tiers au catholicisme.

Cette Inquisition des temps modernes n’est pas passée inaperçue auprès des autorités catholiques. L’archevêque de Zagreb, Alojzije Stepinac, était un ardent partisan des Oustachis et donna sa bénédiction au régime. Le Vatican l’a maintenu en tant qu’archevêque jusqu’à sa mort en 1960. Entre-temps, le gardien en chef de Jasenovac, Miroslav Filipović, était un prêtre catholique.

La renaissance du fascisme

Après la libération, le dictateur communiste Josip Broz Tito a gouverné le pays jusqu’à sa mort en 1980. Pour maintenir le pays à flot, Tito a contracté d’énormes dettes et a accordé aux républiques constitutives du pays des niveaux d’autonomie croissants aux dépens du gouvernement fédéral. Après sa mort, les anciennes tensions ethniques entre les républiques autonomes—notamment entre la Croatie et la Serbie, ont commencé à s’exacerber. Ces tensions ont abouti à la rébellion de la Croatie et de la Slovénie contre la Yougoslavie en 1991.

Les deux pays sont aujourd’hui des États indépendants. Mais à l’époque, peu de pays les reconnaissaient comme tels—au début. Les Balkans sont une région géopolitique instable depuis des siècles. La plupart des pays européens ne souhaitaient pas voir une nouvelle vague de troubles. Les États-Unis se sont opposés à la reconnaissance de l’indépendance croate. C’était également le cas pour la Communauté économique européenne (CEE), le prédécesseur de l’Union européenne. Le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas se sont tous opposés à l’idée de remuer le couteau dans la plaie des Balkans.

L’Allemagne, par contre, avait d’autres projets.

Malgré l’opposition du reste de l’Occident, l’Allemagne a annoncé, le 23 décembre 1991, son intention de reconnaître la souveraineté croate. Cela signifiait, comme l’a écrit la revue Ethics & International Affairs [Ethique et Affaires Internationales] en 1998, que l’Allemagne « de fait, ne reconnaissait plus la légitimité de l’État yougoslave existant et exerçait une pression sur les autres gouvernements européens pour en faire de même. En quelques semaines, la fédération yougoslave s’est disloquée sous toutes ses coutures, tandis que ses affaires civiles dégénéraient en une anarchie de violence armée. » Moins d’un mois plus tard, le pape Jean-Paul II a donné la bénédiction du Vatican pour l’indépendance. Lorsque les partenaires occidentaux se sont opposés à la décision de l’Allemagne, celle-ci a menacé de se retirer de la CEE.

L’Occident a cédé. Le reste de l’Europe n’a pas tardé à reconnaître l’indépendance de la Croatie à différents moments en 1992.

Une telle ingérence dans une guerre civile en cours est déjà assez troublante. Mais les premiers développements culturels de la nouvelle Croatie étaient encore plus troublants. Avec l’indépendance, les célébrations de la culture de l’époque fasciste se sont multipliées en Croatie.

C’est ce qui ressort de la manière dont Franjo Tudjman, le premier président de la Croatie, a mis en place son nouveau pays. Son gouvernement a adopté le drapeau oustachi comme couleurs du pays et a adopté pour devise la kuna croate, aujourd’hui disparue, comme le nom de la monnaie de l’époque fasciste. Za dom spremni, un slogan oustachi équivalent au salut nazi Sieg heil, était devenu courant dans la Croatie de Tudjman. Il l’est encore aujourd’hui.

(En 2016, des politiciens croates ont installé à Jasenovac une plaque qui se lit « Za dom spremni » pour commémorer les soldats croates tués dans les années 1990. Cela était l’équivalent de si des politiciens allemands modernes avaient installé une plaque à Dachau si lisant « Sieg heil »).

Tudjman était également un négationniste de l’Holocauste. Il a écrit dans l’un de ses livres : « La perte estimée de jusqu’à 6 millions de morts [dans l’Holocauste] est trop fondée à la fois sur des témoignages émotionnels et partiaux et sur des données exagérées dans les décomptes d’après-guerre des crimes de guerre et la vérification des récits avec les auteurs vaincus des crimes de guerre. »

C’est l’homme que les Croates considèrent comme leur « père fondateur » moderne. L’aéroport international de Zagreb porte son nom. De nombreux Croates ne semblent pas se soucier de l’héritage fasciste que Tudjman a restauré.

La complicité de l’Europe

L’Église catholique ne s’est pas non plus dissociée de l’héritage oustachi. Selon les rumeurs, le cardinal Stepinac serait mort en 1960, empoisonné par les autorités communistes. En 1998, le pape Jean-Paul II a déclaré Stepinac martyr et l’a canonisé comme saint. Il est aujourd’hui un saint patron de la Croatie.

L’Allemagne et le Vatican connaissaient l’histoire fasciste de la Croatie—et leur histoire de soutien aux Oustachis. Ils savaient que le gouvernement de Tudjman avait des penchants fascistes. Ce n’est pas en dépit de ces facteurs qu’ils l’ont parrainé , mais à cause de ces facteurs. Ils savaient qu’une Croatie ayant de bons souvenirs de l’époque fasciste serait l’amie de l’Allemagne et du Vatican. Les Serbes, quant à eux, sont des amis traditionnels de la Russie. Une Yougoslavie unie, dirigée par des Serbes favorables à la Russie, aurait entravé les ambitions de l’Allemagne et du Vatican. Aussi, lorsque les guerres de Yougoslavie ont commencé en 1991, l’Allemagne et le Vatican sont intervenus pour dissoudre l’État yougoslave. Si cela signifiait financer publiquement un négationniste de l’Holocauste, alors qu’il en soit ainsi.

Cela nous amène en 2023. L’Allemagne est devenue la dirigeante officieuse de l’Union européenne. Elle possède la plus grande économie du bloc, la plus grande population et le plus grand nombre de sièges au Parlement européen. Et la Croatie est désormais solidement intégrée à l’UE dominée par l’Allemagne. La Croatie et l’Allemagne partagent désormais une frontière extérieure et une monnaie. Elles partagent des forces de police et des forces frontalières à l’échelle européenne. Et presque tout le reste de l’ex-Yougoslavie est aujourd’hui dans le camp de l’Allemagne également. Le seul pays qui ne l’est pas est la Serbie. Mais la Serbie est entourée de membres de l’OTAN, et son économie dépend de l’UE, de sorte qu’elle ne peut pas beaucoup résister à l’Allemagne.

En d’autres termes, la conquête des Balkans par l’Allemagne est presque complétée.

LA TROMPETTE EN BREF

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