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Ne pas en avoir beaucoup pour son argent

Jeff J Mitchell/Getty Images

Ne pas en avoir beaucoup pour son argent

L’Amérique a l’armée la plus chère au monde. Cela ne signifie pas nécessairement qu’elle soit la plus forte. Voici pourquoi.

À quel point les États-Unis sont-ils un pays sûrs ? Pourraient-ils être défaits par une nation étrangère ?

Beaucoup de gens répondraient immédiatement « Non ». Nation qui dépense le plus au monde pour son armée, l’Amérique compte pour plus d’un tiers des dépenses militaires mondiales—dépensant plus que les sept nations suivantes mises ensemble.

Mais de grandes dépenses achètent-elles l’invincibilité ? L’Amérique est grande à mettre de l’argent pour régler des problèmes, des services médicaux à l’éducation. La question, c’est : Comment cet argent est-il dépensé ?

Une quantité assez choquante est purement et simplement gaspillée. Exactement combien, cela est inconnu parce que le Pentagone n’a jamais été audité, mais c’est au moins des dizaines de milliards.

Cependant, la somme d’argent gaspillé n’est pas la partie la plus dangereuse de l’histoire. Au lieu de cela, c’est ce que cet énorme gaspillage révèle sur les gens responsables de la sécurité de l’Amérique. Une étude sur ce gaspillage révèle qu’une confiance ordinaire en l’établissement pour la défense en masse de l’Amérique est gravement diminuée.

« Le système est cassé »

La 7ème flotte américaine est le groupe naval le plus puissant en mer. Ses 50 à 70 bateaux et sous-marins, 140 avions et 20 000 personnels en mer et sur terre protègent les intérêts de l’Amérique dans le Pacifique.

Elle a été presque détournée par un ressortissant étranger.

Cet homme, c’est Leonard Glenn Francis, connu comme « Fat Leonard ». Il a dirigé la Glenn Defense Marine Asia [gdma], et l’a utilisée pour voler des dizaines de millions à la Marine américaine.

La Gdma a fourni des services de gestion à la 7ème flotte pendant des années. Quand des vaisseaux de guerre sont à quai, ils ont besoin de carburant, de provisions et de maintenance ; ils ont souvent besoin de remorquage dans les docks et doivent payer pour l’espace de stationnement. La Gdma a fourni ces services—à des prix exorbitants. Pour cinq visites de port, en Thaïlande, par des bateaux américains, L. G. Francis a surfacturé à la Marine 3 millions de dollars pour le seul carburant.

La pire partie du scandale de « Fat Leonard », telle qu’on la connaît, c’est la façon dont L. G. Francis a échappé à la détection. Il a suborné le commandant d’un destroyer et l’officier adjoint de la logistique pour la flotte avec des cadeaux, de l’argent et des prostituées. Ils ont transmis des informations confidentielles sur les mouvements des bateaux américains. Ils ont même dévié des bateaux pour qu’ils s’arrêtent dans des ports où L. G. Francis pourrait surfacturer la Marine.

L. G. Francis a suborné un agent de surveillance du Naval Criminal Investigative Service [Service d’investigations criminelles de la Marine], qui a contribué à contrecarrer les enquêtes sur ses transactions.

Si L. G. Francis avait travaillé pour une puissance étrangère, au lieu que ce soit simplement pour de l’argent, cela aurait été non seulement un désastre financier, mais également une stratégie mortelle.

L. G. Francis a été arrêté en septembre 2013, mais les retombées du scandale continuent. Le directeur des Renseignements navals et le directeur des Opérations de renseignements ont eu leur accès aux documents secrets suspendu. Cela a placé l’Amérique dans la situation grotesque où il n’est pas fait confiance à l’homme qui dirige les opérations secrètes de la Marine et où il ne lui est pas permis de lire les documents secrets. En 2015, trois autres amiraux étaient publiquement réprimandés et mis à la retraite.

« Gérer la structure de commandement au sommet de la Marine est devenue un cauchemar depuis que le ministère de la Justice a commencé l’enquête », a écrit Matthew Gault, co-animateur des podcasts militaires de Reuters. « Personne ne sait qui restera, qui sera mis à la retraite et qui ira en prison » (13 avril 2015).

Cette affaire n’est qu’un des nombreux scandales dont l’armée des États-Unis a souffert la décennie passée. « Pendant des générations le Pentagone a dirigé les forces armées les plus puissantes du monde avec une surveillance budgétaire inadéquate. Le système est cassé », a écrit M. Gault en 2013. « Quelque chose doit changer et il doit changer hier. Si ce n’est le cas, la débâcle de Fat Leonard—avec ses commandants intéressés, ses millions dépensés à mauvais escient et ses secrets militaires compromis—pourrait devenir la norme » (18 novembre 2013).

Des enquêtes et des procès sont en cours dans des affaires semblables à celle de Fat Leonard dans les 5ème et 6ème flottes (chargées du Moyen-Orient et de l’Europe). En 2013, le gouvernement américain a commencé à enquêter sur trois officiers des renseignements de la Marine qui ont facturé 1,6 million de dollars pour des silencieux qui auraient dû être facturé 8 000 dollars. Des sœurs jumelles auraient accumulé 20 millions de dollars en six ans, en grande partie par fraude et abus du système, par leur société, C&D Distributors, qui dans un cas a facturé un demi-million de dollars le transport de trois hélices pour les marines, en Irak.

Cela va plus loin que quelques individus douteux : les géants de l’établissement de la défense américaine sont impliqués. En 2003, une secrétaire adjointe de l’Armée de l’air a surpayé Boeing pour une série de bombardiers. Elle a vite quitté son travail et est allée chez Boeing, avec un salaire à six chiffres. La société avait déjà donné des emplois à sa fille et au fiancé de sa fille. Elle a plaidé coupable pour corruption et a été condamnée à neuf mois de prison. Le directeur financier de Boeing de l’époque est, également, allé en prison.

Au-delà de l’argent perdu, que signifie-t-il que le système d’acquisition de matériel militaire par l’armée américaine est « cassé » ? Quoi d’autre, concernant l’armée, est « cassé » ? Si « des commandants intéressés » pouvaient devenir la norme, de quelle autre façon pourrait-on nuire à l’Amérique ?

« Nous nous y prenons mal »

Les États-Unis ont dépensé une somme d’argent énorme en Irak et en Afghanistan—le Service de recherche du Congrès l’a évaluée à 1,6 trillion de dollars. Time magazine a évalué le coût à long terme entre 4 et 6 trillions de dollars. Dans ces deux pays, l’Amérique dépensait 20 milliards de dollars par an uniquement pour la climatisation. C’est plus que tout le budget de la défense de l’Italie, en 2015.

Le fait que l’Afghanistan retourne vers les talibans et que l’Iran reprend l’Irak soulève la question primordiale de savoir, au juste, ce que ces trillions de dollars ont acheté. Mais les chiffres concernant les seuls gaspillages sont également énormes. La Commission bipartite sur les contrats passés en temps de guerre, en Irak et en Afghanistan a annoncé, en 2011, qu’« au moins 31 milliards de dollars et probablement bien 60 milliards de dollars, ont été perdus en gaspillage et en contrat frauduleux »—juste un petit exemple de gaspillage—en Afghanistan et l’Irak.

Un des exemples les plus notoires de gaspillage a été les 36 millions de dollars dépensés pour des installations de commandement, en Afghanistan, pour 1 500 personnes, et qui n’ont jamais été utilisées. Trois généraux ont demandé que le projet soit annulé, disant qu’il était inutile, mais ils n’ont pas été écoutés. Quand les investigateurs s’en sont intéressé, les commandants ont dit aux subalternes d’entraver l’enquête.

Il y a aussi beaucoup de corruption de style Fat Leonard. Les autorités ont identifié 1 million de dollars surpayé pour du carburant, sur une période de deux mois, en Afghanistan. En 2014, 45,5 millions de dollars destinés à payer les salaires de la police afghane manquaient.

En plus de l’argent dépensé directement pour l’invasion, les États-Unis ont versé 100 milliards de dollars pour la reconstruction de l’Afghanistan. C’est plus que l’Amérique n’a dépensé dans le Plan Marshall pour reconstruire l’Europe de l’Ouest après la Deuxième Guerre mondiale. Propublica a évalué que 17 milliards de dollars ont été gaspillés. Cela inclut une base qui n’a jamais été utilisée, des routes qui ont rapidement été en mauvais état et des soldes à des soldats inexistants. Un demi-milliard de dollars est allé aux avions cargos qui ont été à peine utilisés et abandonnés ensuite ; 8 milliards de dollars ont été dépensés pour combattre trafic de la drogue, sans résultat.

En Irak, les États-Unis ont dépensé 50 milliards de dollars en reconstruction. L’inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Irak a estimé qu’au moins 8 milliards de dollars ont été gaspillés.

John F. Sopko a travaillé intensément pour faire connaître les gaspillages de ces fonds, en tant qu’inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan [igSra]. Lors d’un discours, en septembre dernier, il a parlé d’écoles construites avec l’argent américain qui « littéralement, tombaient en ruine et s’effondraient » et des hôpitaux qui « en réalité, devenaient dangereux parce que leurs systèmes d’alimentation en électricité et en eau étaient défaillants ».

Un problème pour lequel on aurait fait des projets qui auraient été grands, en Amérique, mais qui ne fonctionnaient tout simplement pas en Afghanistan. Les États-Unis ont dépensé des millions pour les hôpitaux qui étaient trop chers à faire fonctionner par les Afghans. « Ce genre de choses arrive en Afghanistan tout le temps », a-t-il dit.

« Vous penseriez qu’après 13 ans de ce genre d’événements, et des centaines de cas dont l’igsra dénonçait les problèmes, que quelqu’un se réveillerait, regarderait autour de lui, et dirait “Vous savez quoi ? Peut-être que nous nous y prenons mal”, J. F. Sopko continu. »

Il a décrit comment il a dû travailler, avec acharnement, pour persuader un représentant militaire officiel de ne pas construire l’éclairage de haute technologie fonctionnant à l’énergie solaire aux arrêts de bus. D’où cette métaphore pour l’Afghanistan : les généraux américains veulent construire un éclairage de haute technologie pour des arrêts de bus tandis que les talibans reprennent le pays.

« Tout ce que je vois, c’est un modus operandi qui au mieux est dépassé et au pire délirant », a constaté J. F. Sopko. « Nous devons simplement être plus malins. »

De nouveau, il y a une allusion à un problème plus profond. Si la hiérarchie américaine est « délirante » au sujet de l’argent, comment sa prise de décision dans d’autres domaines peut-elle être efficace ?

« Inventez des chiffres »

L’Agence de logistique pour la défense [ald] est responsable de l’achat des fournitures et des munitions. L’ald a été récemment exposé pour avoir dépensé 7 milliards de dollars pour des choses dont elle n’a pas besoin. « Comment achetez-vous 7 milliards de dollars de choses dont vous n’avez pas besoin ? » a demandé le major Arnold Punaro (retraité), qui surveille un corps expéditionnaire spécial pour la logistique, au profit du Pentagone. « Si une société fait cela, elle serait fermée. Même Walmart. »

A. Punaro a dit que ce gaspillage est commun. « Il n’a aucun sens de la valeur ou du temps », a-t-il dit. « Personne au Pentagone ne cherche une affaire, la plupart du temps. C’est une chose culturelle. Ce sont des gens qui expédieront une palette d’eau sur un C-17. »

Le gaspillage est épidémique dans la bureaucratie centrale de l’armée. Entre 2003 et 2011, par exemple, il a réussi à perdre la trace de 6 milliards de dollars en fournitures. Un rapport spécial de Reuters, en 2013 dit : « Reuters a constaté que le Pentagone est en grande partie incapable de suivre la trace de ses vastes dépôts d’armes, de munitions et autres fournitures ; ainsi il continue à dépenser de l’argent sur de nouvelles fournitures dont il n’a pas besoin et à stocker d’autres, depuis longtemps démodées. Il a accumulé un arriéré de plus d’un demi-trillion de dollars en contrats non vérifiés avec des vendeurs extérieurs ; une belle somme de cet argent payée pour des biens et services réels n’est pas connue. Et il devient, de manière répétée, la proie de la fraude et du vol qui peuvent rester non découverts pendant des années, souvent détectés, finalement par des agences externes d’application de la loi » (18 novembre 2013).

Dans une société privée, la méthode de comptabilité du département de la Défense serait illégale. « D’anciens représentants des services de l’armée disent que la garde de rapports au niveau opérationnel dans tous les services sévit avec des chiffres inventés pour couvrir l’information perdue ou manquante », a écrit Reuters.

L’ancien ministre de la Défense nationale, Robert Gates, a dit en mai 2011 : « Mon personnel et moi avons appris qu’il était presque impossible d’obtenir des informations précises et des réponses précises à des questions comme “Combien d’argent avez-vous dépensé ?” et “Combien de personnes avez-vous ?” »

En février de cette année, le Centre pour la politique internationale a publié un rapport de William D. Hartung décrivant plus de 33 milliards de dollars de gaspillage en seulement 27 exemples depuis que le président Barack Obama est entré en fonction.

Le rapport est concentré étroitement sur les gaspillages. Il n’inclut pas les dépenses comme les 360 millions de dollars dépensés en chirurgie pour perte de poids au profit des familles des militaires, ce qui aurait presque l’air d’augmenter la capacité de combat de la nation.

Tueurs à gages

L’armée des États-Unis a des problèmes majeurs avec la façon dont elle paye pour des armes. Par exemple, le gouvernement payera souvent les sociétés pour qu’elles réparent leurs propres défauts industriels. Comme le Bureau des responsabilités financières du gouvernement l’a dit, lors d’une enquête sur les contrats navals, la Marine « rémunère essentiellement le constructeur de navires pour la livraison d’un bateau qui nécessitait des travaux complémentaires ».

David W. Sage a écrit dans la Guerre est ennuyeuse : « La Marine, comme les autres services, s’est révélée incapable de gérer un programme efficace d’acquisition d’armes, dans les récentes décennies. Au lieu de cela, les services payent de plus en plus pour des unités progressivement moindres qui n’arrivent souvent pas à avoir des caractéristiques originales » (27 mai).

Dans à peu près chaque projet, les coûts augmentent tandis que les capacités diminuent. Un exemple notoire est le bateau pour les combats le long des côtes. Il devait coûter 220 millions de dollars. Le prix a triplé. Les bateaux ont presque universellement mauvaise presse. Ils sont légèrement blindés, et perdent face aux bateaux chinois dans à peu près toutes les simulations.

Dans le même temps, d’autres sociétés construisent des armes inutiles. Par exemple, l’Armée a dépensé autour de 200 millions de dollars par an sur les tanks M1 Abrams dont il n’a pas besoin et qui sont allés directement en entrepôt. Pourquoi ? L’usine de tanks est dans le district du président d’un sous-comité clef du congrès.

Ce n’est pas un exemple isolé. En décembre dernier, le New-York Times a écrit que le « langage inséré dans le budget fédéral… a ordonné à la Garde côtière de construire une vedette pour la sécurité nationale de 640 millions de dollars au Mississippi, et dont la Garde côtière dit ne pas avoir besoin » (20 décembre 2015). « Je suppose qu’elle est bonne », a dit un porte-parole de la Garde côtière. « Mais nous sommes bien [sans] ».

Un sénateur a voulu que la vedette soit construite dans son État. Dans le même budget, un autre sénateur a insisté pour qu’il soit donné à la Marine 1 milliard de dollars pour un destroyer qu’elle n’a pas demandé parce que le navire allait probablement être construit dans son État.

Plus encore, il y a de fortes évidences que les armes de l’Amérique sont conçues principalement pour être des pourvoyeuses d’emplois, et non pas pour donner la victoire dans la guerre.

Franklin C. Spinney est célèbre pour sa critique à l’égard de l’acquisition de matériel militaire par la défense américaine. Dans un essai écrit en 1990, il prédit : « La politique de puissance pratiquée par le Pentagone et le Congrès continuent à faire tomber en spirale notre nation plus profondément dans un bourbier de dépense pour des armes, des forces qui diminuent et de hauts budgets de défense ». Maintenant que ses prédictions se sont avérées, il est clair qu’il vaut la peine d’être écouté.

F. C. Spinney a averti que « les besoins d’une politique de défense cohérente ont été devancés par les désirs égoïstes de ses composants individuels ». Cet égoïsme est au cœur de sa critique. Le Pentagone et les sociétés de défense s’engagent dans ce qu’il appelle « l’ingénierie politique ». « L’ingénierie politique est la stratégie de distribution de dollars, d’emplois et de profits à autant de circonscriptions importantes de représentants du congrès que possible », a-t-il écrit. « En concevant des armes excessivement complexes, puis en diffusant des sous-traitances, des emplois et des profits dans tout le pays, les ingénieurs politiques dans le département de la Défense agrandissent délibérément la puissance de ces forces pour punir le Congrès s’il essayait par la suite de réduire des dépenses de défense en mettant fin à des programmes d’approvisionnement majeurs ».

Cela semble expliquer les problèmes avec l’avion de chasse F-35. Avec un coût autour de 1,5 trillion de dollars, c’est le système d’armes le plus cher de l’histoire. C’est également l’avenir de la puissance aérienne des États-Unis : si tout doit être planifié, la majorité des avions de l’armée américaine sera des F-35. Cependant, le F-35 est généralement critiqué pour être excessivement complexe. Un seul système inutile—un système conçu pour rendre plus facile la commande de pièces détachées—laisse tout le programme tellement vulnérable au piratage qu’une cyberattaque pourrait retenir au sol toute la flotte. Dans le même temps, les experts disent que le Congrès ne va probablement pas arrêter le programme parce que les politiciens sont inquiets des emplois qui seraient perdus dans des zones clefs.

Il peut y avoir des raisons légitimes de ne pas annuler le programme de F-35. Mais cette décision devrait tourner autour des conséquences militaires, pas autour des emplois.

Ces stratégies semblent, également, prévaloir pour le tout nouveau bombardier furtif américain, le B-21. « En annonçant publiquement certains des sous-traitants du programme, les agents de l’État ont lié le programme à des circonscriptions spécifiques de Représentants, rendant difficile pour les membres du Congrès—ayant des usines dans leurs circonscriptions—la possibilité de s’opposer au programme pour l’armée légitime ou de le critiquer, et de s’opposer à ce programme ou de le critiquer pour des raisons budgétaires sans sembler, également, agir contre les intérêts de leurs circonscriptions », a rapporté le Projet de surveillance du gouvernement, en mars.

Le gaspillage et l’inadéquation des contrats concernant la défense américaine représentent plus qu’un simple problème financier. C’est vrai, l’Amérique a peut-être dépensé des milliards sur des routes inutiles ou des hôpitaux qui s’effondrent—mais les mêmes forces qui se cachent derrière ces achats auraient pu pousser les États-Unis à dépenser 1,5 trillion de dollars, et à miser sur son avenir, pour un avion imparfait.

Une faiblesse mortelle

Quand les décisions concernant l’armée sont prises avec des emplois, des sièges au Congrès et des avancements de carrière comme priorités supérieures, la sécurité de l’Amérique est dramatiquement ébranlée.

Le gaspillage concernant la défense expose une pourriture au cœur de l’armée. Qui connaît la raison exacte pour que chaque représentant militaire ait conclu des milliards de projets inutiles en Afghanistan ou ait acheté un équipement qui ne soit pas nécessaire. Mais les mêmes facteurs qui poussent à ces décisions—le manque de réflexion, le manque d’intérêt, la paperasserie bureaucratique, l’incapacité des différents départements à se parler—sont sans aucun doute derrière d’autres mauvaises décisions. La dépense à mauvais escient est un symptôme quantifiable qui indique une maladie beaucoup plus profonde.

Les décideurs militaires américains dans le monde entier, de l’Afghanistan au Congrès, ont eu un moment d’inattention. Pour certains, leur but est le gain personnel. Pour d’autres, c’est de ne pas faire de vagues. Pour d’autres encore, c’est la réélection. Trop peu ont fait de la défense de l’Amérique face à des ennemis potentiels leur priorité supérieure. C’est la plus grande raison pour laquelle le choquant gaspillage militaire a de l’importance.

L’Amérique a l’habitude de produire une technologie militaire d’avant-garde à un bon prix. Dieu a béni l’Amérique, mais ce n’est plus le cas. En fait, la malédiction décrite dans Lévitique 26 : 20—adressée aux irréligieux et désobéissants descendants modernes de l’ancien Israël, dont l’Amérique est en chef—s’applique bien : « Votre force s’épuisera inutilement ».

Nous voyons cela, de bien des façons—les missions militaires stériles en Afghanistan et en Irak, par exemple. Ce gaspillage massif est le résultat naturel d’une direction qui a failli et, également, le résultat de cette malédiction. Le verset précédent dit que Dieu brisera « l’orgueil de votre force [“de votre puissance” (d’après la King James)] ». Ces versets décrivent une nation avec « une force » et « une puissance » amplement suffisantes, mais elle est incapable de l’utiliser efficacement.

Quand l’Amérique était bénie, Dieu disait : « Vous poursuivrez vos ennemis, et ils tomberont devant vous par l’épée » (verset 7). Une des façons dont Il a fait cela, c’était en accordant à la nation des innovateurs et des fabricants habiles, permettant à la nation d’avoir sa technologie de pointe. L’Amérique est encore à la pointe. Mais trop peu de gens, dans l’armée, prennent au sérieux la potentialité d’une guerre majeure. Le résultat en est un système hypertrophié qui fait une hémorragie d’argent et laisse cette nation, apparemment invincible, dangereusement fragile.