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Peut-on se fier aux économistes ?

Rafael Matsunaga/Flickr

Peut-on se fier aux économistes ?

La bourse fond—et les experts disent que ce sera bien. Ont-ils raison ?

Le 24 août , beaucoup d’américains se sont réveillés à l’odeur du café et des nouvelles que la bourse de la Chine était encore une fois en chute libre. Bâillement.

À 9h30, un arôme complètement différent infiltrait les salles de conseil et les bureaux des plus grandes banques de l’Amérique et les salles de Wall Street.

La peur régnait.

Subitement, les souvenirs du krach économique de 2008 étaient rejoués en haute définition Technicolor avec les directeurs d’investissement terrifiés accrochés à leurs claviers d’ordinateurs et iPad—regardant, incrédules, alors que les cotations tombaient en chute libre. En moins de 10 secondes, le lundi, plus de 1 000 points ont été effacés de la moyenne industrielle du Dow Jones. Des centaines de milliards de dollars ont, simplement, cessé d’exister.

Trois minutes plus tard, le carnage continuait avec une chute de 300 points supplémentaires. La perte de 1 300 points a été l’unique et plus nette baisse enregistrée en vingt-quatre heures.

Les analystes se sont demandé ce qui arriverait ensuite. Jamais auparavant les marchés n’ont été exposés à un effet de levier aussi massif. Les sociétés américaines ont emprunté la somme étourdissante de 9,3 trillions de dollars, depuis le début 2009. Rarement, des investisseurs ont emprunté des sommes aussi massives à la marge.

En Chine aussi, la dette est à des niveaux sans précédent. Comme l’analyste du marché, Doug Noland, l’a souligné, quatre des cinq plus grandes banques dans le monde sont maintenant possédées par les Chinois—et leurs livres de prêts ont augmenté d’un déroutant 80 pour cent, au cours des quatre années passées. « Une super bulle chinoise qui éclate est un problème systémique—pour l’économie mondiale, pour les marchés mondiaux et pour la finance mondiale », a écrit D. Noland (Credit Bubble Bulletin, 17 août).

« Je dis, en tant qu’analyste de crédit et de bulles en série depuis 25 ans, qu’il y a un thème récurrent qui est particulièrement pertinent ces jours-ci… C’est toujours pire que vous ne le pensez » (ibid., 20 août).

Cela pourrait-il être le début d’un autre lundi noir ? D’un autre 1929 ?

Pendant une brève période, l’inquiétude était si forte qu’elle a fait sauter l’index de volatilité du Chicago Board Options Exchange—souvent appelé la jauge de la peur. Les algorithmes informatiques ne pouvaient pas gérer le volume sans précédent alors que l’index triplait. Durant 30 minutes, il n’était offert aux investisseurs que des données fragmentaires et des écrans vides.

La dernière fois que l’index a réagi aussi brusquement, les mauvaises choses ont suivi. Pensez à la grande récession et à l’effondrement de Wall Street, en 2008.

Mais les participants du marché n’auraient pas dû être dans le cirage. La jauge de la peur avait tinté tout le mois. Vers la fin août, elle avait sauté à 135 pour cent—la plus grande augmentation, en un seul mois, de son histoire.

Beaucoup d’autres signes de troubles étaient, également, déjà évidents.

La portion la plus risquée du marché des obligations, sur laquelle beaucoup de sociétés sont forcées de compter pour leurs besoins de financement, a été absolument massacrée dans les jours qui ont précédé la mutilation de la bourse. Le coût moyen d’un emprunt pour une entreprise notée ccc est passé de 13 à 16 pour cent, le 13 août. Il était aux environs de 7,9 pour cent, il y a un peu plus d’un an. Ces sortes d’événements « induisant le vertige » sont rares dans des temps normaux, dit l’analyste Wolf Richter. « Et il n’y a pas eu [“de temps normaux”] depuis la [dernière] crise financière » (Wolf Street, le 15 août).

En juillet, l’Empire Manufacturing Index—la mesure tout-importante de l’activité économique dans l’État de New York—a, également, plongé à des niveaux vus, auparavant, seulement lors des deux dernières récessions économiques.

Les frais de transport se sont effondrés, soulignant le net ralentissement du commerce mondial. « Il y a, maintenant, une tempête d’août généralisée balayant les marchés mondiaux », écrit Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph (17 août).

Les prix des marchandises s’effondrent, également. Le pétrole a plongé au-dessous de 40 dollars le baril, le 24 août, en baisse de 60 pour cent en une année. Charbon, minerai de fer, potasse, uranium, graines de soja, sucre—tous en baisse. Oranges, blé, nickel, argent, ciment—tous en baisse, également.

Quelqu’un a sûrement dû remarquer que quelque chose n’allait pas.

Le 21 août, quand les bourses mondiales ont suivi la Chine et les États-Unis dans le rouge, il était clair que cela avait pris les autorités au dépourvu. En Australie, le ministre des Finances, Joe Hockey, et le Premier ministre Tony Abbott, ont parlé sur les ondes pour rassurer les investisseurs après que l’index de valeur de référence de l’Australie a plongé au taux le plus net, depuis 2009.

« Je suis absolument confiant, absolument confiant que les fondements de l’économie australienne et de l’économie mondiale sont toujours bons, sont toujours bons. C’est-à-dire, sans aucun doute, que c’est la situation », a dit J. Hockey au Today Show, du Canal 9. « En fait, il n’y a pas de crise, maintenant. Il s’agit d’une correction » (25 août).

Il aurait pu mentionner absolument confiant encore une fois !

« Je crois qu’il est important que les gens ne fassent pas d’hyperventilation », a dit le Premier ministre Abbott. « Les fondements sont solides. » L’ancien chef de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a beaucoup parlé, également, de l’économie fondamentalement solide de l’Amérique avant le krach de 2008.

Quand un Premier ministre, face aux caméras, vante les mérites du marché, on sait que tout n’est pas solide.

À la fin de la journée de lundi, le Dow Jones a essayé de reprendre des forces, mais il a encore descendu de presque 600 points. C’était la première fois dans l’histoire que le Dow était tombé à plus de 500 points deux jours consécutifs.

Le jour suivant, les marchés ont d’abord monté, mais le Dow a fini la journée en baisse d’encore 205 points. C’était le plus grand revers, depuis 2008.

Pourtant, la semaine suivante a vu les deux plus grands redressements de suite, depuis 2009.

Les marchés envoient de forts signes d’avertissement que tout ne va pas bien. Cela commence beaucoup à ressembler aux jours qui ont précédé la dernière fusion économique.

« La plupart des krachs ont tendance à être en l’automne », a observé, autrefois, John Steele Gordon du Commentary, au sujet du krach d’octobre 1929. « Je crois que c’est de la psychologie humaine, on a tendance à être plus prudent en automne. Les spéculations de l’été qui semblent si brillantes, subitement, quand les vents frais d’octobre arrivent, on se demande si elles sont une si bonne idée, et on essaye d’en sortir. » Quelle qu’en soit la raison, la période septembre/octobre a bien tendance à être la plus dangereuse.

La jauge de la peur n’est consultée, d’habitude, que lors des récessions. Jusqu’à présent, elle a continué à monter en septembre. C’est un puissant signe que quelque chose est pourri dans l’état de l’économie.