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Que font le pape François et Vladimir Poutine ?

ALEXEY DRUZHININ/AFP VIA GETTY IMAGES

Que font le pape François et Vladimir Poutine ?

Une crise surviendra-t-elle au sujet de l'Ukraine ?

Le président russe Vladimir Poutine fait les gros titres depuis plusieurs jours. Il soutient son mandataire en Biélorussie qui envoie des migrants du Moyen-Orient dans l'Union européenne. Il fait chanter l'Europe avec des prix de l'énergie qui montent en flèche. Il menace de relancer la guerre en Bosnie-Herzégovine. Il a même exigé un nouveau rideau de fer.

Poutine est dans l'esprit de beaucoup de gens. Mais que pense Poutine ?

Le 17 décembre, il souhaitait un joyeux anniversaire au pape.

Poutine a envoyé un télégramme pour féliciter le pape François d'avoir atteint l'âge de 85 ans. « Il est difficile de surestimer votre contribution personnelle au développement des relations entre les églises orthodoxe russe et catholique romaine, et au renforcement des liens entre la Russie et le Vatican », peut-on lire dans le télégramme.

Poutine a ensuite fait une proposition intéressante pour ainsi dire. « Je suis certain que, grâce à nos efforts conjoints, nous pourrons faire beaucoup pour protéger les droits et les intérêts des chrétiens et assurer le dialogue multiconfessionnel [ou interconfessionnel]. »

François, en tant que chef de l'Église catholique, dirige la plus grande dénomination chrétienne. La Russie compte la plus grande population de chrétiens orthodoxes orientaux et, selon certains critères, elle compte la deuxième plus grande dénomination chrétienne.

L'Église catholique et l'Église orthodoxe ne s'entendent normalement pas. Depuis leur séparation en 1054, elles ont trouvé toutes les excuses imaginables pour se chamailler. Cela va de la façon de faire le signe de croix correctement au jour de Noël, jusqu’au titre officiel de Marie.

Pourtant, l'Église orthodoxe russe est plus amicale avec le pape qu'avec les autres Églises orthodoxes.

Le patriarche de Constantinople, chef cérémoniel de l'Église orthodoxe, reconnut l'Église orthodoxe d'Ukraine comme une Église indépendante en 2018. L'Ukraine est traditionnellement sous la juridiction de l'Église orthodoxe russe. Le patriarche orthodoxe russe Kirill rompit alors les liens avec le patriarche de Constantinople. Le gouvernement russe publia une déclaration selon laquelle Poutine était « extrêmement préoccupé » par la décision de Constantinople et promit que Moscou « défendrait l'intérêt des croyants orthodoxes [ukrainiens] ». Au final, l'Église orthodoxe russe coupa les liens avec l'Église de Grèce, l'Église de Chypre et le patriarche d'Alexandrie pour avoir reconnu l'Église ukrainienne.

Kirill accusa également le patriarche Bartholomée de Constantinople de tenter de diviser les mondes orthodoxes grec et slave. Kirill qualifia les actions de Bartholomée de « crime » digne du « châtiment divin ». Kirill est apparemment plus proche du pape qu'il ne l'est de son collègue patriarche. François et Kirill se rencontrèrent en 2016, la première fois que les dirigeants des deux religions se rencontraient depuis la scission de 1054.

François et Kirill se préparent à une nouvelle rencontre. Plus tôt en décembre, François déclara que « une rencontre avec le patriarche Kirill n'est pas loin à l'horizon ». Il ajouta qu'il irait même à Moscou pour lui rendre visite « de frère à frère ».

Il est important de réaliser que l'Église orthodoxe russe est, à certains égards, une excroissance du gouvernement russe. Selon la rumeur, Kirill serait un ancien agent du KGB (comme l'était son prédécesseur, Alexei II). Poutine soutient ouvertement la renaissance du christianisme orthodoxe en Russie après des décennies de répression sous les Soviets. Par le biais de son Église orthodoxe, la Russie—tant sous Poutine que sous les tsars d'antan—a revendiqué le leadership sur l'ensemble du monde orthodoxe. Ainsi, pour le pape, de bonnes relations avec l'Église orthodoxe russe signifient de bonnes relations avec l'État russe.

François a déjà rencontré Poutine à trois reprises. En comparaison, il a rencontré le président américain Barack Obama deux fois et la reine Élisabeth II une seule fois. Si François se rend à Moscou pour rencontrer Kirill, il prendra probablement le temps de rendre également visite à Poutine.

Le pape François entretient de bonnes relations avec Poutine et Kirill. Mais quelle est sa proximité avec l'Ukraine ?

Au milieu de la récente crise ukrainienne, François parla de sa vision de la paix en Ukraine le 12 décembre. Il déclara à une foule à la Cité du Vatican que « les armes ne sont pas le chemin à prendre ». Il affirma prier pour « la chère Ukraine, pour toutes ses églises et communautés religieuses et pour tout son peuple, afin que les tensions y soient résolues par un dialogue international sérieux et non par les armes ». Il ne mentionna pas nommément la Russie.

Une telle solution ravirait Moscou car elle ne ramènerait pas l'Ukraine au statu quo d'avant 2014 (avant que la Russie n'annexe la Crimée et ne parraine les rebelles dans l'Est de l'Ukraine). Au lieu de cela, Kiev ferait des concessions aux rebelles et cimenterait l'influence de Poutine dans la région.

François est connu pour dire (ou ne pas dire) des choses qui suggèrent un récit pro-Kremlin. Par exemple, en 2015, il qualifia la guerre en Ukraine de « violence fratricide ». Cela ressemble au langage de Moscou selon lequel le conflit est une guerre civile entre Ukrainiens—plutôt qu'une guerre par procuration russe. En 2016, la Trompette demanda même, « Pourquoi le pape est-il pro-Poutine ? [Why Is the Pope Pro-Putin? —disponible en anglais seulement] »

Il n'est pas étonnant que Poutine ait déclaré qu'il était « difficile de surestimer » les contributions de François au renforcement des liens avec la Russie. Mais pourquoi est-ce le cas ? Pourquoi le pape est-il pro-Poutine ? Et pourquoi Poutine est-il pro-pape ?

Tous les Ukrainiens n’acceptèrent pas la décision de l'Église orthodoxe d'Ukraine de se séparer de Moscou. En 2020, environ 14% des Ukrainiens étaient fidèles à l'Église orthodoxe russe. L'Ukraine compte également une importante population catholique, principalement dans l'ouest du pays.

Moscou et la Cité du Vatican auraient-ils l'intention de diviser l'Ukraine en sphères d'influence ?

C'est discutable. Le fait que Poutine se rapproche du pape va à l'encontre des précédents historiques. Cela suggère que quelque chose de plus important est en jeu. Et la suggestion de Poutine de travailler ensemble avec François « pour protéger les droits et les intérêts des chrétiens » ressemble à une offre : vous pouvez avoir vos catholiques en Ukraine occidentale si vous me laissez avoir mes chrétiens orthodoxes à l'Est.

Cela peut sembler être mélodramatique. Un télégramme d'anniversaire n'est pas la preuve la plus indiscutable. Mais ces dernières années, le Vatican a utilisé son poids diplomatique pour changer l'ordre mondial.

Lorsque la Yougoslavie s’effondrait dans les années 1990, la plupart des pays du monde étaient opposés à l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, y compris les États-Unis et l'Union européenne. Mais deux puissances offrirent une reconnaissance diplomatique : l'Allemagne et le Vatican. L'Allemagne était l'ancien allié de la Croatie pendant la Seconde Guerre mondiale. Le catholicisme est la religion majoritaire en Croatie et en Slovénie. À cause de la bénédiction du Vatican, le reste de la Yougoslavie s’effondra dans une guerre civile sanglante.

En 2014, le pape François servit de médiateur pour un accord dans lequel les États-Unis acceptèrent de rétablir les liens diplomatiques avec Cuba. Jusque-là, l'économie cubaine était en difficulté. Ses principaux parrains, la Russie et le Venezuela, avaient eux-mêmes de mauvaises économies et ne pouvaient pas maintenir le régime castriste à flot bien longtemps. Le communisme à Cuba aurait pu tomber. Mais à cause de la médiation du pape, les communistes continuent de régner sur La Havane jusqu'à ce jour.

Nous devrons attendre la suite des événements et voir si un accord similaire parrainé par le Vatican pourrait « régler » la crise ukrainienne au profit de Poutine. Mais une chose est bien certaine : l'Église catholique romaine est beaucoup plus intéressée par la politique mondiale que la religion moyenne.

« L'Église catholique romaine est la religion la plus reconnaissable et la plus illustre sur Terre », écrit le directeur de la rédaction de laTrompette.fr, Brad Macdonald, dans son livre, The Holy Roman Empire in Prophecy [Le Saint Empire romain selon la prophétie—disponible en anglais seulement]. « Dans le monde entier, elle compte plus de 1,2 milliard de fidèles, environ 400,000 prêtres et quelque 221,000 paroisses. Le catholicisme est présent sur tous les continents et dans toutes les nations. […] Pourtant, malgré son omniprésence mondiale, sa notoriété colossale, sa splendeur matérielle et sa longue histoire, l'Église catholique est une énigme. Même pour les catholiques de longue date. »

La Cité du Vatican est le plus petit pays de la planète. Son taux de natalité est de zéro. Son armée est composée d'une poignée de gardes suisses armés de lances. Pourtant, lorsque le pape parle, les nations écoutent. Un mot du Vatican peut maintenir des régimes au pouvoir ou les renverser. Le Palais apostolique—la résidence papale—peut sembler au touriste occasionnel comme une simple aile des musées du Vatican. Mais c'est aussi l'un des biens immobiliers les plus puissants du monde.

Comme l'écrit M. Macdonald, « l'Église catholique romaine est l'institution la plus déterminante et la plus influente de l'histoire de l'Europe—et pourtant, elle demeure un mystère total ! » Nous avons un petit aperçu d'une partie de ce mystère dans les relations du pape avec Vladimir Poutine. Si vous souhaitez en savoir plus, demandez un exemplaire gratuit du livre The Holy Roman Empire in Prophecy [Le Saint Empire romain selon la prophétie—disponible en anglais seulement].

Ger Fr