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Quelle était l’époque des patriarches ?

Carsten Frenzlvia wikimedia commons (cc-by-2.0)

Quelle était l’époque des patriarches ?

De nombreuses personnes n’ont aucune idée de l’époque durant laquelle Abraham a vécu. Est-il même possible de le savoir ?

Quand, exactement, Abraham, Isaac et Jacob ont-ils vécu ? C’est un sujet très débattu. C’est aussi un thème important dans le domaine de l’archéologie biblique. La Bible contient de riches détails significatifs sur ces personnages et leur environnement culturel et géopolitique. Mais pour comprendre le récit biblique et le comparer aux preuves matérielles découvertes lors de fouilles archéologiques, nous avons besoin d’un référentiel chronologique.

Peut-on savoir exactement quand Abraham, Isaac et Jacob ont vécu ?

De Salomon à l’Exode

Lorsqu’on calcule des dates bibliques, il est toujours préférable de commencer par des faits connus. La date la plus couramment acceptée par les experts est sans doute celle de la construction du temple par le roi Salomon. Selon 1 Rois 6 : 1, ce projet a débuté au cours de la quatrième année du règne de Salomon. Et le consensus général parmi les archéologues, les spécialistes de la Bible et les chronologistes est que cette date était l’an 967 avant notre ère.

La raison pour laquelle la plupart des gens s’accordent sur cette date est due à l’harmonie exceptionnelle des chronologies des règnes de rois dans la Bible, des inscriptions assyriennes et des sources classiques, harmonie particulièrement mise en évidence par le travail exhaustif des chercheurs du 20e siècle Edwin Thiele et Valerious Couke. Bien qu’ils n’aient pas eu connaissance de leurs travaux respectifs et qu’ils aient utilisé des méthodes de calcul totalement différentes et sans rapport les unes avec les autres, les deux hommes sont arrivés exactement à la même date pivot de début de la construction du temple de Salomon. (Pour plus d’informations, lisez notre article en anglais sur le sujet ici.)

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Comme on pourrait s’y attendre, il existe d’autres dates proposées pour la construction du temple de Salomon. Cependant, dans cet article, nous utiliserons la date la plus communément acceptée de 967 avant J.-C.

La raison pour laquelle cette date est utile est que 1 Rois 6 : 1 relie explicitement la construction du temple de Salomon à l’Exode. Cela nous permet de calculer une autre date spécifique beaucoup plus ancienne. 1 Rois 6 : 1 dit : « Ce fut la quatre cent quatre-vingtième année après la sortie des enfants d’Israël du pays d’Égypte que Salomon bâtit la maison à l’Éternel, la quatrième année de son règne sur Israël, au mois de Ziv, qui est le second mois. »

Le calcul est simple. En ajoutant 480 ans à 967 avant J.-C., nous arrivons à une date d’Exode de 1447 avant J.-C. (ou plus précisément, 1446 avant J.-C., car la construction du temple a commencé « la quatre cent quatre-vingtième année »). Plus généralement, si l’on ajoute 480 ans au début du 10e siècle avant J.-C. (époque de David et Salomon), on peut conclure que l’Exode s’est produit au milieu du 15e siècle avant J.-C.

Si la logique semble simple, la date de l’Exode fait l’objet d’un énorme débat. Il y a deux positions principales. Premièrement, il y a les partisans de l’« Exode précoce ». Ces derniers interprètent la Bible de manière littérale et, en s’appuyant sur des passages tels que 1 Rois 6 : 1, Juges 11 : 26 et 1 Chroniques 5-6, estiment que l’Exode a bien eu lieu au milieu du 15e siècle avant J.-C. Puis, il y a les partisans de l’« Exode tardif ». Généralement, ces derniers croient que l’Exode a eu lieu au 13e siècle avant notre ère, soit environ 200 ans plus tard. Cette théorie est principalement ancrée en Exode 1 : 11, où le nom de lieu « Ramsès » est mentionné. Cette référence est généralement interprétée comme faisant référence à l’un des pharaons nommés Ramsès (qui n’est apparu qu’au 13e siècle avant notre ère).

Afin de soutenir cette théorie de l’Exode tardif, les 480 ans de 1 Rois 6 : 1 sont mis à l’écart comme étant simplement un nombre « symbolique ». Les partisans de l’« Exode tardif » rejettent également la déclaration du juge Jephté dans Juges 11 : 26, où il affirme qu’Israël a habité Canaan (jusqu’à ce moment-là) pendant 300 ans. Enfin, les partisans de l’« Exode tardif » rejettent aussi les longues générations s’étalant sur la période des juges, documentées dans 1 Chroniques 5-6.

Bien que la datation de l’Exode au 13e siècle avant J.-C. soit raisonnablement populaire, cela nécessite un rejet pur et simple de nombreux versets bibliques, sapant essentiellement l’exactitude du texte biblique. Et si Ramsès II est souvent identifié dans la culture populaire comme le pharaon de l’Exode sur la base d’Exode 1 : 11, cela nécessite également le rejet du texte biblique—en particulier Exode 2 : 23, qui dit que le pharaon d’Exode 1 : 11 était mort bien avant que Moïse ne soit appelé par Dieu pour libérer les Israélites. Comment peut-on établir une chronologie biblique honnête tout en rejetant simultanément le récit de la Bible ?

L’utilisation géographique de « Ramsès » dans Exode 1 : 11 peut être facilement expliquée comme étant un anachronisme de scribe ultérieur (un nom de territoire plus récent et plus familier remplaçant un nom plus ancien et moins familier pour plus de clarté ; par exemple, l'utilisation du nom moderne « France » pour désigner l'ancienne Gaule). Nous savons déjà que Ramsès était un titre utilisé de manière anachronique dans la Bible—après tout, le même nom de territoire est utilisé en Genèse 47 : 11, à l’époque de Jacob. Cela signifie-t-il que le patriarche Jacob devrait être placé au 13e siècle avant notre ère ? Bien sûr que non. (Pour un examen beaucoup plus détaillé de ce débat sur l’Exode, lisez nos articles ici, ici , ici, et ici, disponibles en anglais seulement).

Pour ces raisons, nous utiliserons le milieu du 15e siècle avant notre ère comme date de l’Exode afin de déterminer la période des patriarches.

Le long séjour

En utilisant 1446 avant J.-C comme date de l’Exode, nous pouvons calculer l’époque des patriarches. Exode 12 : 40 fournit des informations clés, notamment en ce qui concerne la durée du séjour d’Israël en Égypte : « Le séjour des enfants d’Israël en Égypte fut de quatre cent trente ans. »

Les partisans de ce que l’on appelle le « long séjour » croient que ces 430 ans font référence à la période de temps commençant avec l’entrée de Jacob en Égypte et se terminant avec l’Exode. Ainsi, lorsque nous ajoutons 430 ans à 1446 ans avant notre ère, nous arrivons à 1876 ans avant notre ère, soit le début du 19e siècle avant J.-C. Pour les partisans du « long séjour », c’est la date de l’arrivée de Jacob et de sa famille en Égypte (parfois appelée l’« Eisodus » en anglais).

À partir de là, il est assez simple de calculer la naissance d’Abraham, sa venue à Canaan, la naissance d’Isaac et l’Eisodus. Le livre de Genèse enregistre un certain nombre de références temporelles, dont plusieurs identifient l’âge d’Abraham à certains moments clés de sa vie, ainsi que l’âge d’Isaac, de Jacob et même de Joseph. Ces récits révèlent une période de 215 ans entre l’Eisodus et l’appel d’Abraham à l’âge de 75 ans, décrit dans Genèse 12.

Selon la théorie du long séjour, qui tourne autour d’Exode 12 : 40 et l’apparente confirmation que les Israélites ont vécu en Égypte pendant 430 ans, Abraham est né en 2166 avant notre ère et a été appelé par Dieu vers 2091—ce qui fait commencer l’époque des patriarches à la fin du troisième millénaire avant notre ère.

Mais il existe une autre théorie, plus remarquable, concernant le séjour d’Israël, qui situe la période patriarcale après le tournant du millénaire.

Le court séjour

Le court séjour place tous les patriarches dans la première moitié du deuxième millénaire avant notre ère. C’est l’interprétation classique des écritures chronologiques connexes du judaïsme. Ironiquement, certains des arguments les plus solides de cette chronologie en matière scripturale proviennent du Nouveau Testament.

Exode 12 : 40, qui mentionne les « 430 ans », n’est pas le seul verset ayant un rapport chronologique avec le séjour israélite en Égypte. L’autre passage principal est Genèse 15, où Dieu révèle à Abraham (alors appelé Abram) ce qui arrivera à ses descendants. « Et l’Eternel dit à Abram : ‘Sache que tes descendants seront étrangers dans un pays qui ne sera point à eux ; ils y seront asservis, et on les opprimera pendant quatre cents ans » (Genèse 15 : 13).

L’Exode fait mention de 430 ans ; la Genèse dit 400. Est-ce une contradiction ? La théorie du long séjour soutient que les 400 ans font référence aux mêmes 430 ans dont il est question en Exode, et que le nombre a simplement été arrondi à l’inférieur. Mais c’est bien plus que cela.

Notez les versets suivants dans Genèse 15 : « Mais je jugerai la nation à laquelle ils seront asservis, et ils sortiront ensuite avec de grandes richesses [l’Exode]. Toi [Abraham], tu iras en paix vers tes pères, tu seras enterré après une heureuse vieillesse. À la quatrième génération, ils reviendront ici ; car l’iniquité des Amoréens [une certaine population de Canaan] n’est pas encore à son comble » (versets 14-16).

Ces versets sont cruciaux : les descendants d’Abraham, qui sont passés en Égypte, allaient revenir dans quatre générations. Et une étude des généalogies de l’Exode révèle exactement cela.

Nombres 26 : 58-59, par exemple, énumèrent les familles du fils de Jacob, Lévi, et indique que le fils de Lévi « Kehath engendra Amram. […] Elle [sa femme] enfanta à Amram : Aaron, Moïse… ». Ainsi, depuis la descente de Lévi en Égypte jusqu’à l’Exode, il y a quatre générations jusqu’à Moïse et Aaron.

Nombres 16 établit la généalogie du rebelle Koré. Le verset 1 mentionne « Koré, fils de Jitsehar, fils de Kehath, fils de Lévi. » Les hommes de la tribu de Ruben qui ont aidé Koré dans sa rébellion sont listés en tant que Dathan et Abiram, les fils d’Eliab, fils de Pallu, fils de Ruben (Nombres 26 : 5-9 ; Exode 6 : 14). Dans les deux cas, quatre générations sont citées.

Il en va de même pour Acan, le maudit, mentionné dans Josué 7. Il était fils de Carmi, fils de Zabdi, fils de Zérach, fils de Juda (Josué 7 : 1 ; 1 Chroniques 2 : 3-7). La liste continue (par exemple, 1 Chroniques 2 : 9 ; Ruth 4 : 18-20). Certaines généalogies sont, bien sûr, plus longues que d’autres—mais il y a un minimum consistent de quatre générations jusqu’au retour vers Canaan. Ces exemples corroborent l’affirmation de Genèse 15 : 16 : « À la quatrième génération, ils reviendront ici. »

Si seulement quatre générations d’Israélites ont séjourné en Égypte, alors le séjour a dû être beaucoup plus court que 430 ans. Les partisans du « court séjour » croient que la période entre l’arrivée de Jacob en Égypte et l’Exode était d’environ 210 à 215 ans. Mais cela soulève la question : qu’en est-il des périodes de 400 et 430 ans clairement mentionnées dans Genèse 15 : 13 et Exode 12 : 40 ? Comment expliquer cela ?

Le judaïsme répond, le christianisme corrobore

La Genèse 15 : 13 dit : « Et l’Éternel dit à Abram : sache certainement que ta semence séjournera dans un pays qui n’est pas le sien, et ils l’asserviront, et l’opprimeront pendant quatre cents ans » (version Darby). L’interprétation habituelle de ce verset dans le judaïsme est que cette période de 400 ans a commencé avec la semence littérale d’Abraham, Isaac.

Dans son article « How Long Was the Sojourn in Egypt: 210 or 430 Years? » [« Quelle fut la durée du séjour en Égypte : 210 ou 430 ans ? »], David Gadeloff explique : « La tradition rabbinique, telle que reprise par Rachi [rabbin médiéval et l’un des commentateurs les plus respectés du judaïsme], est la suivante : l’alliance entre les parties (Genèse 15 : 7-21) a eu lieu 430 ans avant l’Exode, et c’est la période dont il est question dans notre verset. À l’époque, Dieu a dit à Abraham que sa descendance allait souffrir 400 ans, pendant lesquels il y aurait exil, persécution et servitude—mais pas nécessairement tous en même temps. Ces 400 ans ont commencé avec la naissance d’Isaac, puisque la prophétie faisait référence à la descendance d’Abraham (Genèse 15 : 13). »

Le Nouveau Testament contient des preuves corroborant une méthode de comptage similaire, qui fait commencer les 430 (ou 400) ans par un événement survenu dans la vie d’Abraham (plutôt que tardivement dans celle de Jacob).

Dans Galates 3, l’apôtre Paul, formé par les pharisiens, écrit : « Or les promesses ont été faites à Abraham et à sa postérité. […] Voici ce que j'entends: une disposition, que Dieu a confirmée antérieurement, ne peut pas être annulée, et ainsi la promesse rendue vaine, par la loi survenue quatre cent trente ans plus tard » (versets 16-17). Ce verset indique que l’alliance avec Abraham a eu lieu 430 ans avant que la loi ne soit donnée sur le mont Sinaï (un événement qui s’est produit environ deux mois après l’Exode, cette même année—c’est-à-dire en 1446).

Le vieil anglais de la version King James rend ce verset un peu difficile à cerner. La New Living Translation, en anglais, dit plus simplement : « L’accord que Dieu a conclu avec Abraham ne pouvait être annulé 430 ans plus tard, lorsque Dieu a donné la loi à Moïse. »

Ce passage du Nouveau Testament se rapproche étroitement de la méthode traditionnelle juive de calcul des périodes de 400 et 430 ans : tous deux font remonter le début de cette période à Abraham, et non à Jacob.

Qu’en est-il d’Exode 12 : 40 ?

Mais qu’en est-il d’Exode 12 : 40, qui indique clairement que « le séjour des enfants d’Israël en Égypte fut de quatre cent trente ans » ? Ce passage peut-il être réconcilié avec un court séjour ?

C’est là que les choses deviennent intéressantes. La traduction grecque des Septante (LXX) de ce verset, du début du troisième siècle avant J.-C., inclut en fait le mot Canaan : « Et le séjour des enfants d’Israël, pendant qu’ils séjournaient au pays d’Égypte et au pays de Canaan, fut de quatre cent trente ans. »

La mention de Canaan en même temps que celle de l'Égypte dans ce verset se retrouve dans de nombreux autres manuscrits anciens, notamment le Pentateuque samaritain, les manuscrits syriaques, de nombreuses citations rabbiniques et les écrits de l'historien juif du premier siècle, Josèphe. Le rouleau de la mer Morte 4Q14Exod contient également une variante similaire. Ces sources attestent toutes de la même compréhension générale parmi ces premières communautés juives, à savoir que la période de 430 ans ne se limitait pas à l'Égypte, mais incluait également un séjour antérieur en Canaan à l'époque d'Abraham et d'Isaac—un séjour en Canaan au cours duquel ils étaient également, comme en Égypte, des « étrangers dans le pays. »

La mention de Canaan et de l'Égypte dans ce verset se retrouve dans de nombreux autres manuscrits anciens, se retrouve en fait dans de nombreux autres anciens manuscrits, notamment le Pentateuque samaritain, les manuscrits syriaques, de nombreuses citations rabbiniques et les écrits de l’historien juif du premier siècle, Josèphe. Le rouleau de la mer Morte 4Q14Exod contient également une version similaire. Ces sources attestent toutes de la même compréhension générale parmi ces premières communautés juives, à savoir que la période de 430 ans ne se limitait pas à l’Égypte, mais incluait également le séjour antérieur, en Canaan, à l’époque d’Abraham et d’Isaac—un séjour en Canaan au cours duquel ils étaient eux aussi, tout comme en Égypte, des « étrangers dans le pays ».

La mention de « Canaan » ne se trouve pas dans le texte massorétique. Bien sûr, on peut débattre de la question de savoir si ce mot figurait ou non dans le texte original, étant donné son omniprésence dans d’autres anciens manuscrits. Mais en même temps, comme Vilis I. Lietuvietis le signale dans son long traité de 200 pages, « Was the Masoretic Text’s Ex. 12:40 430 Years Sojourn to the Exodus Begun by Abraham or Jacob? » [« Le séjour de 430 ans d’Exode 12 : 40 avant l’Exode du texte massorétique a-t-il commencé par Abraham ou Jacob ? »], un tel débat n’est pas réellement nécessaire pour tirer les mêmes conclusions. Il souligne qu’une mauvaise compréhension de l’hébreu original de ce verset—une « échec des traducteurs à considérer le contexte d’Exode 12 : 40 conditionnant la signification hébraïque »—explique la pullulation ultérieure des théories du « long séjour ». « Si ce différend avait pu être résolu au niveau grammatical sans tenir compte de son contexte, il ne se serait jamais posé », propose Lietuvietus.

En bref, Exode 12 : 40 souligne en fait que les Israélites, au moment de l’Exode, ont terminé cette période de 430 ans en Égypte. Il ne prétend pas que l’entièreté des 430 ans ont été passés en Égypte (de la même manière que le mot « affliction » ne décrit pas la totalité de la période de 400 ans). Comme l’a dit feu Dr Herman Hoeh : « Le verbe n’est pas exprimé dans l’hébreu original d’Exode 12 : 40, qui devrait être correctement traduit : ‘Le séjour des enfants d’Israël, qui habitaient en Égypte, termina les quatre cent trente ans’ » (Compendium of World History, Vol. I). En effet, le verset suivant le souligne : « Et au bout de quatre cent trente ans… ».

On trouve des explications similaires dans de nombreux commentaires (cf. Jamieson, Fausset and Brown Commentary, Matthew Poole’s Commentary et Benson’s Commentary à propos de ce verset).

Selon l’explication du court séjour, les Israélites, au lieu de vivre 430 ans uniquement en Égypte, ont eu un séjour beaucoup plus court en Égypte, la période de 430 ans commençant au moment de l’alliance de Dieu avec Abraham.

Il existe différentes théories quant au moment exact cette période de 430 ans devrait commencer dans la vie d’Abraham. Commence-t-elle avec l’alliance de Genèse 12 ? Ou peut-être avec celle de Genèse 17 ? L’un des décomptes les plus courants commence avec les événements en Genèse 12, lorsqu’Abraham avait 75 ans. Si l’on utilise cette date, le calcul est facile : en ajoutant 430 ans à 1446 avant J.-C. (l’Exode), on obtient la naissance d’Abraham vers 1951 avant J.-C., son entrée en Canaan 75 ans plus tard, vers 1876 avant J.-C., la naissance d’Isaac 25 ans plus tard en 1851 avant notre ère (Genèse 21 : 5) ; la naissance de Jacob en 1791 avant notre ère (Genèse 25 : 26) ; et la naissance de Joseph vers 1700 avant notre ère (Genèse 47 : 9 ; 41 : 46-53 ; 45 : 6). En continuant, cela place la promotion de Joseph en Égypte autour de 1670 avant notre ère et l’entrée de Jacob avec sa famille en Égypte autour de 1661 avant notre ère.

Encore une fois, il ne s’agit pas d’une approbation absolue de chacune de ces dates très spécifiques. Il s’agit plutôt d’une démonstration générale du point de vue standard de la chronologie biblique qui utilise le court séjour, un Exode précoce et 967 avant J.-C. comme point de départ pour le temple de Salomon. Il existe des différences mineures dans les théories pour chacune de ces dates, en fonction du passage biblique considéré pour l’alliance, qui sert de référence pour les 430 ans. Néanmoins, la chronologie générale est évidente : L’époque des patriarches se situe assurément dans la première moitié du deuxième millénaire avant notre ère.

Le poids de la preuve

Comme nous l’avons vu brièvement, cette interprétation du « court séjour » était largement répandue dans différentes communautés juives anciennes, ainsi que dans la communauté chrétienne primitive. Elle s’aligne même étroitement sur la datation relative à Ismaël par l’islam (2424 « avant Hijra », du calendrier islamique centré sur 622 de notre ère—voir, par exemple, La Grande Histoire, par l’imam Mouhammad al-Bukhârî, un érudit perse du neuvième siècle de notre ère, dont l’ouvrage est considéré comme le second après le Coran). Encore une fois, il existe certaines différences dans la datation (plus ou moins évidentes, en fonction des différentes théories pour le calcul exact de dates individuelles), mais l’Ismaël d’Islam et l’Ismaël du court séjour datent tous deux du même siècle, les années 1800 avant notre ère.

Josèphe était un partisan du court séjour (on peut lire son explication dans les Antiquités des Juifs, 2,15,2). C’était également la position de Démétrius le Chronographe, un historien du troisième siècle avant J.-C. (Fragment 2, lignes 18-19), ainsi que celle du philosophe juif du premier siècle Philon (On the Life of Moses ; Sur la vie de Moïse, 1,2,7). Le court séjour est également en phase avec divers détails contenus dans les écrits de l’historien grec du cinquième siècle avant J.-C., Ctésias.

Enfin, cette datation de la période patriarcale s’accorde parfaitement avec des preuves archéologiques.

Prenons, par exemple, les villes. Plusieurs villes, telles que Jérusalem, Hébron et Dan/Laish sont mentionnées dans la Bible en relation avec Abraham. Des fouilles archéologiques ont révélé que chacune d’entre elles a été construite autour du 19e siècle avant J.-C. Chacune était présente pendant le court temps de séjour d’Abraham, mais inexistante pendant la période du long séjour. C’est pareil avec Tall el-Hammam, identifiée comme la Sodome biblique. Les archéologues ont révélé un « événement d’extinction » par combustion sur le site et les zones environnantes, datant de la dernière partie de la première moitié du deuxième millénaire avant Jésus-Christ—plus de 200 ans après que, selon la théorie du long séjour, Abraham aurait été mort (cliquez ici pour en lire plus sur ce sujet, en anglais seulement).

La situation géopolitique de la région s’accorde également parfaitement. Genèse 14 décrit une coalition mésopotamienne dominée par les Élamites à l’époque d’Abraham, dirigée par un roi portant un titre de Kedor (Kudur) tentant de punir le peuple de Canaan pour ne pas avoir payé de tribut. Cela correspond parfaitement—et uniquement—à la situation géopolitique de la première moitié du deuxième millénaire avant J.-C.—la période de la « conquête élamite » (2000-1700 avant J.-C.), au cours de laquelle des coalitions dirigées par Élam (et des rois portant des titres de Kedor, rien de moins) ont exercé leur domination sur des territoires aussi éloignés que le Levant. C’est également au cours de cette période que d’autres régimes politiques entrent en scène—comme le roi Eriaku de Larsa du 19ème siècle, correspondant à « Arjoc d’Ellasar » de Genèse 14 : 1 (voir notre article en anglais sur cela, ici).

Tout cela est-il une simple coïncidence ?

À quelle époque Abraham, Isaac et Jacob ont-ils vécu ? Comme nous l’avons vu, le poids de la preuve montre que l’époque des patriarches peut être datée le plus précisément possible à la première moitié du deuxième millénaire avant notre ère.

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