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Retour à l’Ophel : entretien avec le professeur Uzi Leibner

EYREN MACDONALD/AIBA

Retour à l’Ophel : entretien avec le professeur Uzi Leibner

Lors des fouilles sur l’Ophel l’été dernier, l’équipe de l’Université hébraïque et de l’Institut Armstrong d’archéologie biblique (IAAB) a continué à mettre au jour un bâtiment monumental de la période du Second Temple, vieux de 2000 ans, au pied du mur méridional du mont du Temple. Le bâtiment a été découvert pour la première fois par la Dre Eilat Mazar en 2018.

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En juin, l’IAAB et l’Université hébraïque retournent à l’Ophel pour continuer à révéler cette structure impressionnante. Cette phase des fouilles est plus importante que la précédente et sera codirigée par les archéologues de l’Université hébraïque, le professeur Uzi Leibner et la Dre Orit Peleg-Barkat. Dans cet entretien, Brent Nagtegaal, rédacteur en chef adjoint de Let the Stones Speak (Laissez parler les pierres), s’entretient avec le professeur Uzi Leibner, qui dirige également l’Institut d’archéologie de l’Université hébraïque, au sujet de l’importance des fouilles de cet été. L’entretien qui suit a été modifié dans un souci de clarté.

Brent Nagtegaal (BN) : Merci de m’avoir accordé votre temps. Tout d’abord, pourriez-vous nous parler de l’importance générale de la région de l’Ophel ?

Uzi Leibner (UL) : L’Ophel est une zone publique située au pied du mont du Temple, entre le mont du Temple et la Cité de David. Les principales portes d’accès au mont du Temple pendant la période du Second Temple étaient situées dans le mur sud, juste au-dessus de l’Ophel. Nous supposons que la plupart des pèlerins qui se rendaient sur le mont du Temple passaient par cette zone. Elle est remplie d’édifices publiques, d’infrastructures, de rues, d’escaliers, etc., tous conçus pour accueillir les masses qui se rendaient sur le mont du Temple.

BN : Et nous nous concentrons principalement sur la période du Second Temple dans ces fouilles ?

UL : Il s’agit principalement de la période du Second Temple. La zone que nous fouillons actuellement est couverte d’un voisinage très dense de la période byzantine, de nature domestique, datant principalement des 5e et 6e siècles de notre ère. Ce que nous avons commencé à faire, c’est démanteler quelques points de cette couche afin d’atteindre la période du Second Temple. Il y a un écart de quelques centaines d’années entre la couche de la période du Second Temple, qui se termine brusquement en 70 de notre ère et la reprise de la colonisation dans cette zone quelque part à la fin du quatrième siècle ou au début du cinquième. Notre objectif est de fouiller jusqu’à la période du Second Temple.

BN : C’est votre deuxième saison de fouilles à l’Ophel. Quelles ont été les principales découvertes de votre première saison [à l’été 2022] ?

UL : Tout d’abord, il convient de noter que nous poursuivons l’énorme projet de la Dre Eilat Mazar, dont elle s’est occupée pendant des années, et qui a commencé à fouiller ici il y a presque dix ans. En 2018, sa dernière saison avant son décès, elle a commencé à mettre au jour (là où nous travaillons actuellement) l’entrée d’un bâtiment monumental très somptueux et élaboré, daté de la fin de la période du Second Temple. Nous n’avons pas encore la date exacte, mais il est probablement daté de la fin du premier siècle avant notre ère ou du début du premier siècle de notre ère. Le bâtiment est situé juste au bas de l’escalier menant à la porte orientale de Houldah, qui était l’une des principales entrées du temple.

La saison dernière, nous avons commencé à faire des fouilles à l’intérieur et en dessous de cette belle structure bien conservée. Nous n’avons pas encore une idée claire de la fonction de ce bâtiment. Deux des salles ont des escaliers qui descendent vers l’intérieur.

Notre principale conclusion de la saison dernière était que dans cette zone, la couche de la période du Second Temple s’est terminée par une destruction dramatique en l’an 70. L’une des principales découvertes de l’été dernier concernait de nombreuses pièces de monnaie de la révolte juive contre Rome entre 66 et 70 de notre ère. Nous avons des dizaines de ces pièces, dont un très rare demi-shekel en argent de la révolte. Il semble donc que toute cette région ait été détruite en l’an 70, puis abandonnée pendant quelques siècles, avant d’être réinstallée avec des habitations principalement domestiques.

Notre principale mission pour cette saison dans cette zone est de démanteler une structure domestique byzantine qui a été construite sur ce somptueux bâtiment de la période du Second Temple, ce qui nous permettra d’avoir une meilleure idée du plan et de la fonction de cette première structure.

BN : Est-il rare, dans cette zone de la partie orientale de l’Ophel, de trouver cette destruction datant de 70 ans de notre ère sur un bâtiment aussi monumental ?

UL : Il est très rare de trouver dans cette zone de l’Ophel une structure bien préservée de la période du Second Temple qui soit encore debout et d’une hauteur significative. Toute la partie orientale de la zone de l’Ophel a été mise au jour pour la première fois lors des grandes fouilles du professeur Benjamin Mazar il y a 50 ans, mais elles ne sont pas descendues jusqu’à la période du Second Temple.

BN : Ils n’ont donc pas creusé assez profondément dans cette zone ?

UL : Exactement. Cela signifie qu’il existe un énorme potentiel dans cette zone pour faire des découvertes similaires à celles que Mazar a faites dans l’angle sud-ouest du mont du Temple, où ils ont trouvé des rues, des escaliers, des réservoirs et des magasins. Mais nous n’en sommes qu’au début de ce projet.

BN : Sur quoi nous focaliserons-nous lors de la fouille cet été ?

UL : Cette année, nous serons beaucoup plus nombreux que la saison dernière. Nous avons une combinaison d’étudiants du Collège Armstrong venant de l’étranger, d’étudiants de l’Université hébraïque et de volontaires. Nous espérons avoir entre 25 et 30 personnes sur le site chaque jour.

Cette saison, nous aurons un nouveau codirecteur, la Dre Orit Peleg-Barkat de l’Université hébraïque. Orit est une experte de la période du Second Temple à Jérusalem. Ensemble, nous nous concentrerons sur ce bâtiment monumental (zone D et sa zone souterraine, zone D1). Ce que nous avons appris la saison dernière, c’est que sous ce bâtiment monumental se trouve un monde souterrain très sophistiqué et complexe de tunnels et de réservoirs. Ils semblent principalement destinés au stockage ou à la canalisation de l’eau. Nous n’avons pas encore une idée précise de l’origine et de la destination de l’eau. Nous espérons continuer à creuser ces tunnels souterrains cette saison afin de mieux comprendre leur utilisation.

Nous allons également ouvrir deux zones supplémentaires : une grande zone (zone E) et une zone plus petite.

La zone E, la nouvelle grande zone, se trouve à l’angle sud-est du mur sud du mont du Temple. Cela signifie que nous monterons sur une terrasse, nous rapprochant ainsi du mont du Temple. Cette zone est également peuplée de structures byzantines. Cependant, nous pouvons déjà voir quelques murs en contrebas qui, d’après leur orientation, semblent appartenir à la période du Second Temple.

BN : Nous pensons qu’il pourrait y avoir un bâtiment dans la zone E qui date de la même période que le bâtiment monumental de la zone D ?

UL : Exactement. Nous attendons beaucoup de cette nouvelle zone. Encore une fois, elle se trouve juste en face de l’angle oriental du mont du Temple. L’angle ouest du mont du Temple a été très riche en découvertes de la fin de la période du Second Temple, nous espérons donc que quelque chose de similaire sera découvert dans cette zone.

Dans l’autre nouvelle zone pour cette saison—la zone située juste sous le bord de l’escalier Hulda—nous ne prévoyons pas de mettre au jour ou d’exposer un bâtiment. Nous prévoyons plutôt de faire quelques sections pour obtenir des informations sur un bâtiment que Benjamin Mazar a mis au jour. Ce bâtiment a été publié en tant qu’un monastère appelé le Monastère des Vierges. Lorsque Eilat Mazar a publié les fouilles, elle a déclaré que Benjamin Mazar avait écrit dans son journal que quoique le monastère ait probablement été construit au 5e siècle, des segments de murs en pierre de taille datant de la période du Second Temple y avaient été incorporés. Ceux-ci appartenaient probablement à une structure importante qui se trouvait juste à la porte du mont du Temple.

Benjamin Mazar a trouvé ici un fragment d’inscription araméenne, mentionnant apparemment « les anciens », et il a suggéré qu’il y avait peut-être une sorte de cour située à l’entrée de la porte du temple. La littérature rabbinique des périodes ultérieures en fait mention. Malheureusement, il n’a laissé aucune preuve permettant de dater ces segments de murs de la période du Second Temple. Nous prévoyons donc de creuser quelques petites sections jusqu’aux fondations de ces murs pour vérifier si elles peuvent effectivement être datées de la période du Second Temple. Nous essaierons ensuite de déterminer ce que l’on peut dire de ce qui se trouvait ici au premier siècle de notre ère.

L’un des principaux objectifs de l’ensemble de ces projets est d’essayer de comprendre comment toute cette zone a été conçue pour accueillir les masses de personnes arrivant trois fois par an. Les sources parlent de dizaines de milliers de personnes, voire de millions, ce qui est probablement exagéré. Mais nous pouvons certainement parler de milliers et de milliers de personnes visitant cette zone trois fois par an. Nous voulons savoir comment cette zone était organisée pour faire face à ce trafic massif, en termes d’infrastructures, de bains rituels, d’approvisionnement en eau pour tous ces pèlerins, de boutiques, de changeurs, etc. tout ce que l’on peut dire sur l’organisation du pèlerinage au temple à la fin de la période du Second Temple.

BN : La saison débute en juin. Y a-t-il de la place pour d’autres volontaires ?

UL : Malheureusement, il est trop tard pour s’inscrire. Nous sommes déjà complets. La saison sera très longue. Nous prévoyons sept semaines de fouilles à partir du 18 juin. Nous commencerons par deux semaines de démantèlement des murs modernes et byzantins avant d’atteindre le fond. Puis cinq semaines de fouilles jusqu’au début du mois d’août.

BN : J’ai hâte d’y être ! Merci beaucoup de nous avoir donné cet avant-goût.

UL : Avec plaisir.

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