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Trump, l’Allemagne et KT zu Guttenberg

GEORGES GOBET/AFP/Getty Images, JOE RAEDLE/AFP/Getty Images

Trump, l’Allemagne et KT zu Guttenberg

Karl-Theodor zu Guttenberg pourrait être justement l'homme pour diriger l'Allemagne et l'Europe durant l’époque de Donald Trump.

Voici un article que nous avons publié précédemment. Cependant, en raison des prochaines élections, nous pensons qu'il serait bénéfique de le relire:

Q ui est Donald J. Trump, et comment sa présidence affectera-t-elle ma nation? Cette question domine l'esprit des dirigeants du monde et des hommes d'État en ce moment. Et aucun pays n'y pense plus que l'Allemagne.

Peut-être l'atout le plus précieux à Berlin ces jours-ci, et dans chaque capitale du monde entier, est une compréhension éclairée du président des États-Unis Donald Trump et ses véritables intentions. Les dirigeants allemands sont profondément préoccupés et se demandent : Trump est-il sérieux au sujet de l'imposition de droits sur les importations allemandes en Amérique ? Est-ce qu'il déteste vraiment l'Union européenne et cherche sa désintégration ? Quelle est la profondeur de son affection pour le président russe Vladimir Poutine, et combien va-t-il habiliter le Kremlin ? M. Trump considère-t-il réellement que l'OTAN est « obsolète » et envisage-t-il d’initier une retraite américaine de l’Europe ?

Pour l'Allemagne et l'Europe, ce sont des questions existentielles. Chaque question est à la base du système international fondé après la Seconde Guerre mondiale. Cet ordre mondial n'est pas tout à fait parfait, et il n'y a rien de mal à reconsidérer ces questions fondamentales. Mais la révision de 70 ans de relations internationales doit se faire prudemment, soigneusement et en partenariat avec les alliés. Un faux pas et l'ordre international s'effondre.

Bien que les points de vue de M. Trump sur la Russie, l'UE, l'OTAN et l'Allemagne sont radicalement différents des vues traditionnelles de l’Amérique sur ces questions, il est impossible de dire avec certitude si ses points de vue manquent de considération suffisante. Pourtant, il y a un problème: le président Trump parle de fondamentalement transformer l'Europe, les relations germano-américaines, l'OTAN et les relations russo-européennes—en termes plus dramatiques, M. Trump parle de faire éclater l’ordre mondial d’après-guerre—sans explication, sans discussion et sans réserve.

L'Europe, surtout L'Allemagne, est terrifiée.

Le 20 janvier, alors que des millions d'Américains se réjouissaient du discours inaugural de Donald Trump focalisant sur « l’Amérique d’abord », voici ce que les Allemands et les Européens pensaient.

Voici ce qu’a rapporté Handelsblatt dans un article intitulé « L'équipe Trump laisse l'Allemagne au dehors dans le froid » :

Alors que Donald Trump entre officiellement en fonction, le gouvernement allemand a encore du mal à établir des contacts avec la nouvelle administration et à distinguer la campagne fanfaronnade, de la politique réelle. Le changement actuel de la garde aux États-Unis ... a laissé le gouvernement allemand incertain sur l'évolution future des relations transatlantiques. ... Mme Merkel n'a jamais rencontré et sait très peu de choses sur l'homme peu orthodoxe qui fut assermenté en tant que le 45e président vendredi, à part le fait qu'il considère sa politique de réfugiés comme une « erreur catastrophique ».

Dans l’article en ligne « Donald Trump et le nouvel ordre mondial » Spiegel Online a déclaré :

L'inauguration de Donald Trump annonce l'arrivée d'un nouvel ordre mondial. L'Occident est plus faible que jamais, et la montée du nationalisme américain constitue une menace à la fois pour l'économie allemande et pour l'Union européenne.

Spiegel Online a souligné que M. Trump envisage de bouleverser toute la politique étrangère d’après-guerre de l’Amérique envers l'Europe (l’emphase est ajoutée tout au long) :

Depuis plus de 60 ans, l'Amérique a promu l'unité européenne. Le pays a introduit le Plan Marshall, il a soutenu le marché unique européen et l'expansion de l'Europe vers l'Est suite à l'effondrement du Rideau de Fer. Mais maintenant, un homme entre à la maison blanche et il compte sur la désintégration de l'union européenne.

Spiegel Online a déploré le mépris flagrant du président Trump de l'histoire, de la pensée stratégique, du rôle d'après-guerre de l'Amérique dans le monde, et les relations et alliances qui ont défini les relations internationales pendant sept décennies.

Le nouveau président ne ressent absolument aucune sentimentalité quand il s'agit des alliances qui ont surgi des décombres de la Seconde Guerre mondiale. Comme aucun autre président avant lui, il est prêt à les remettre en question et même, apparemment, y mettre fin. De plus, Trump n'a pas de tabous. Au contraire : il aime les briser ; Il aime provoquer.

Le résultat est que l'Europe se retrouve à la veille d'un mouvement épique, comme elle n'en a pas vu depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc de l'Est. Est-ce la fin de l'Occident telle que nous le connaissons, comme l'a prévenu l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, il y a un mois ?

L'article de Spiegel Online a également révélé que l'Allemagne, et surtout la chancelière Angela Merkel, se sentent menacées par le président Trump et ses politiques.

La situation pourrait difficilement être pire pour la chancelière allemande Angela Merkel. Bientôt, l'UE sera forcée de se débrouiller sans le Royaume-Uni, la deuxième plus grande économie du bloc ; les populistes de droite sont en avance en Europe ; et maintenant Trump dirige les États-Unis, un homme qui a déclaré dans son entrevue cette semaine que la chancelière allemande avait « fait une erreur catastrophique. » Il serait difficile de formuler un défi plus directement que cela.

L'Europe de Merkel peut-elle se maintenir maintenant ? Peut-elle devenir un adversaire digne de Trump dans les conflits qui approchent sur les réglementations commerciales, les accords internationaux et l'ordre juridique et économique libéral qui a été si important pour les États-Unis depuis les six dernières décennies ?

C'est une remarque à couper le souffle. Le site web de la revue d'actualité la plus influente en Allemagne se réfère à Donald Trump comme un « adversaire » de la chancelière Merkel et de l'Allemagne. Est-ce que l'Allemagne commence à s'estimer en guerre avec Donald Trump et l'Amérique ? Pensez aux ramifications d'une telle croyance.

Ce qui semblait inconcevable il y a peu de temps semble maintenant être une conclusion préalable : une nouvelle époque commence, dans laquelle les certitudes qui se sont maintenues pendant des décennies ne sont plus mises en valeur. Ils sont soudainement vulnérables. Pour la plupart, c'est parce que le 45e président des États-Unis d’Amérique n'est tout simplement pas intéressé dans l'ordre mondial qui s'est développé depuis 1945. Il est tout aussi désintéressé dans le partenariat transatlantique et les alliances cultivées depuis longtemps avec les alliés occidentaux.

Il est tout à fait possible que ce point de vue soit déformé et que le président américain ne soit pas aussi hostile à l'Allemagne que cet article l'indique. Mais la vérité ne prévaut pas dans ce cas, c'est la perception qui le fait. Et la perception très réelle en Allemagne est que l'Amérique devient un concurrent et un ennemi. L'Allemagne et l'Europe se sentent de plus en plus anxieuses et menacées.

« Et alors ? », le patriote américain pourrait répondre. « Les Américains devraient se soucier moins de ce que l'Allemagne et l'Europe pensent et s'intéresser davantage aux intérêts américains. » Il y a du mérite à ce sentiment, mais ce n'est pas si simple. À cette personne, l'histoire répond de manière retentissante : nous devons toujours porter attention à ce que l’Allemagne pense et planifie !

Spiegel Online a poussé le drame jusqu'à la conclusion.

Trump est la fin du monde tel que nous le connaissons—ceci est clair. Ou, comme la revue The Economist a écrit récemment : « les choses pourraient devenir beaucoup plus graves. »

Il est facile, surtout si vous vivez en dehors de l'Allemagne et de l'Europe, de rejeter cela comme une hyperbole. Mais c'est une erreur. L'Allemagne et l'Europe regardent Donald Trump, et ils sont incertains, anxieux et menacés. Ils croient que si M. Trump garde la moitié de ses promesses, alors leur monde va être bouleversé. L'Allemagne et l'Europe sont déjà aux prises avec la crise de l'UE, une Russie en résurgence, diverses crises financières et la crise des migrants, entre autres.

Maintenant, ils doivent apparemment se soucier d’une Amérique hostile !

Le problème le plus urgent de l'Europe est sa crise de leadership. Les dirigeants européens, y compris Angela Merkel, se montrent absolument incapables de résoudre ces problèmes. L'Allemagne et l'Europe ont besoin de quelqu'un qui comprend le président Trump. Quelqu'un qui comprend ce qui motive M. Trump et son équipe. Quelqu'un qui comprend l'Amérique du 21e siècle et l'esprit populiste et nationaliste qui coule dans ses veines. Quelqu'un capable de piloter l'Allemagne dans la transformation historique déjà en cours. Quelqu'un, idéalement, avec une relation établie avec les principaux penseurs et dirigeants américains, et peut-être même l'équipe de M. Trump. Quelqu'un d'assez audacieux—mais aussi sage et pragmatique—pour faire face au président Trump.

Existe-t-il un tel individu ? Peut-être.

Karl-Theodor zu Guttenberg, comme nous l'avons signalé depuis plus de six ans, a un curriculum vitae impressionnant, et un qui semble plus impressionnant avec le temps. Guttenberg, un ancien ministre allemand de la Défense, était autrefois le politicien le plus populaire en Allemagne. Il fut un temps où beaucoup ont cru qu'il remplacerait la chancelière Merkel. Cet homme a le patrimoine politique et l'éducation, le caractère et l'esprit, et l'expérience diplomatique et les contacts pour gérer la présidence de Trump. Guttenberg comprend la politique allemande et européenne et a établi des relations avec certaines des personnalités les plus importantes de l'Allemagne, de l'Europe et de la Russie.

La carrière politique de Guttenberg semblait se terminer en 2011, quand il fut révélé qu'il avait plagié sa thèse de doctorat (une peccadille, semble-t-il, qui n'est pas rare en Allemagne). Comme pénitence, Guttenberg se retira de la politique et s'exila en Amérique. Dans le Connecticut, il a établi une boutique de consultation financière et est devenu un commentateur, fournissant une analyse perspicace, franche, et rafraîchissante sur les questions mondiales sérieuses. Guttenberg appartient à l'école réaliste des relations internationales. Il voit le monde et la nature humaine telle qu'elle est, non pas comme le veulent les utopistes. Il comprend le pouvoir et la lutte pour le pouvoir. Peut-être que vous l'avez vu sur CNN, Fox, CBS ou vous avez lu ses articles dans Time ou le Wall Street Journal.

Considérez sa position sur Vladimir Poutine. Contrairement à M. Trump, Guttenberg considère le président russe comme sinistre, méchant et dangereux. Il est sans aucun doute alarmé par l'affection de Donald Trump pour Poutine et a probablement des idées claires sur la façon dont l'Allemagne et l'Europe devraient gérer un rapprochement éventuel entre les États-Unis et la Russie. Une telle pensée paraît bien sur son curriculum vitae.

Rétrospectivement, la retraite de Guttenberg de la politique allemande semble être une bénédiction au lieu d'une malédiction. Il a échappé au champ de mines qui est la politique allemande et européenne et a passé quatre ans à se munir des connaissances et de l'expérience pour diriger l'Allemagne à travers une présidence Trump. Il a également cultivé des liens et des relations avec certaines personnalités puissantes et influentes en Amérique. Un de ses collègues était Rex Tillerson, le nouveau secrétaire d'État américain; Ils ont travaillé ensemble au Centre d'études stratégiques et internationales. Guttenberg connaît également James Mattis, le nouveau secrétaire américain de la défense. Guttenberg a passé les quatre dernières années à étudier la politique et la culture américaines. Il ne comprend pas seulement Washington, il comprend l'Amérique.

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C'est un curriculum vitae unique et assez incroyable : KT zu Guttenberg comprend les fondements historiques et stratégiques de la politique étrangère américaine et européenne. Il comprend et sait comment naviguer la politique allemande, européenne et américaine. Il a accès aux penseurs et dirigeants les plus influents en Allemagne, en Europe et en Amérique. Il parle parfaitement l'allemand et l'anglais. Et il a la personnalité et le leadership nécessaires pour les temps incertains et tendus à venir.

Si l'Allemagne commence vraiment à voir l'Amérique comme « l'adversaire », alors elle a besoin d'un chef qui comprend l'ennemi. Qui mieux qu'un ancien ministre de la Défense qui a passé les quatre dernières années à vivre avec l’ennemi ?

Karl-Theodor zu Guttenberg est-il uniquement préparé pour diriger l'Allemagne durant l'époque de Donald Trump ?

Enfin, Guttenberg semble « comprendre » Donald Trump. Il a disséqué les discours et les apparitions de Trump pendant des mois, et il n'a pas retenu sa critique. Mais ce n'est pas seulement lancer des attaques sur une personnalité. Guttenberg comprend la vision du monde et les intentions du président Trump et comment ils ont un impact sur l'Allemagne et l'Europe. Il a également une vision de la façon dont l'Allemagne et l'Europe doivent réagir. Dans un article récent, il a expliqué que Berlin doit répondre à la présidence de Trump en mettant fin à son approche des relations extérieures « passive, à attendre et voir venir », et développer une « culture de la responsabilité ». Il a également déclaré que Berlin doit répondre avec « un langage que Trump comprend, » un langage et des gestes qui sont « clairs, constructifs et, si nécessaire, sévères. »

Une telle rhétorique sera de la musique aux oreilles de nombreux Allemands et Européens.

Compte tenu de tout cela, il n'est pas surprenant que l'Allemagne aujourd'hui est bourdonnante de rumeurs d'un retour imminent de Guttenberg. Plus tôt cette semaine, il a joui d'un repas de deux heures dans l'un des restaurants les plus chics de Munich avec Andreas Scheuer, un dirigeant important de l'Union Sociale Chrétienne (USC), le parti politique de Guttenberg. Il a également été vu plusieurs fois ces derniers mois à Berlin et à Munich. Les médias allemands anticipent un retour depuis presque deux ans. Ses collègues de l’USC, et même certains des autres partis, le prient presque de revenir à la politique allemande.

La réaction de KT, à toute cette spéculation et anticipation, est brillante. Il sourit habituellement, livre une remarque d'autodérision, et dit que cela ne produira pas. « C'est aussi improbable pour moi que d'élever des girafes dans mon sous-sol », a-t-il déclaré dans une interview. Une telle réaction timide, bien sûr, ne fait qu'intensifier le désir de ses partisans, pour son retour.

À mon avis, Guttenberg pourrait simplement être en attente pour le bon moment. Il veut arriver sur la scène lorsque les malheurs et les inquiétudes de l'Allemagne et de l'Europe deviennent aigus, et presque insupportables. Guttenberg sait que s'il apparaît au sommet d'une crise massive, avec son curriculum vitae impressionnant—qui est presque parfait pour ce moment—alors son passé sera oublié et l'Allemagne (et l'Europe) lui appartiendront. Bien sûr, cela pourrait se produire différemment.

Quoi qu'il arrive, cependant, cet homme semble être uniquement prêt à diriger l'Allemagne et l'Europe à travers la tumultueuse époque de Donald Trump. Nous l'avons déjà dit—nous avons commencé à le dire il y a six ans—mais cela vaut la peine de le répéter : Surveillez Guttenberg de près.