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À la recherche des Hittites

Julia Goddard/AIBA

À la recherche des Hittites

Comment un empire disparu confirme l’histoire biblique

L’identité des Hittites a laissé les historiens et les archéologues perplexes pendant des siècles. Jusqu’à une date relativement récente, beaucoup considéraient les Hittites comme un peuple fictif mentionné uniquement dans la Bible. Certains ont même utilisé la question hittite comme preuve de la faillibilité de la Bible.

La Bible fait référence aux Hittites (Héthiens) 60 fois et laisse entendre que leur royaume était une civilisation importante du deuxième millénaire avant Jésus-Christ. Le problème, comme l’affirment les sceptiques, est qu’il n’existe aucune preuve archéologique ou historique de leur existence. Par conséquent, le récit biblique, au mieux, n’était pas fiable ou, au pire, était carrément erroné.

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Même au début du 20e siècle, alors que les preuves de la civilisation hittite commençaient à s’accumuler, certains chercheurs continuaient à rejeter entièrement l’existence des Hittites ou à penser que les Hittites ne pouvaient être plus qu’une petite entité tribale insignifiante.

Aujourd’hui, notre connaissance des Hittites a radicalement changé. Grâce à des fouilles archéologiques de grande envergure, ainsi qu’à la découverte et à l’interprétation réussie d’un grand nombre d’inscriptions en argile, nous en savons plus que jamais sur les Hittites. Et la compréhension que nous avons aujourd’hui des Hittites est très proche de la description qui en est faite dans les textes bibliques.

Qui étaient les Hittites ? Comment l’une des principales puissances du monde antique est-elle restée si longtemps introuvable ? Quelles découvertes ont conduit les chercheurs à admettre la présence de ce royaume important ? Et dans quelle mesure les archives bibliques et l’archéologie concordent-elles ?

Examinons cette civilisation énigmatique.

Le manque d'objectivité au 19e siècle

Jusqu’à la fin du 19e siècle, la Bible était le seul ouvrage historique connu qui traitait des Hittites en détail. Le professeur Gary Beckman, hittitologue, a écrit dans son article de 2010 « The Hittite Language and Its Decipherment » (« La langue hittite et son déchiffrement ») : « Les Hittites du deuxième et du premier millénaire ont été largement oubliés par les peuples ultérieurs. Ils ne sont pas mentionnés explicitement dans les sources grecques ou latines classiques. »

Pour certains critiques de la première heure, c’était l’occasion de rejeter la Bible en tant qu’ouvrage historique. « Les références occasionnelles aux Hittites dans la Bible ont été utilisées par les ennemis de la révélation divine pour discréditer l’exactitude historique du livre », observe William Wright dans son article de 1882 intitulé « The Hittites and the Bible » (« Les Hittites et la Bible »).

Vingt-cinq ans plus tôt, Francis William Newman, professeur à Oxford, qualifiait les références bibliques aux Hittites de « non historiques » et « ne montrant pas sous un jour très favorable la connaissance de l’époque par l’auteur » (A History of the Hebrew Monarchy / Une histoire de la monarchie hébraïque).

Même au début du 20e siècle, alors que les preuves de l’existence des Hittites commençaient à émerger, certains spécialistes refusaient de l’admettre. L’archéologue John Garstang a écrit en 1929 qu’« il y a 25 ans, certains des plus grands orientalistes ne croyaient pas à l’existence d’une nation hittite » (The International Standard Bible Encyclopedia/Encyclopédie biblique internationale standard).

En 1909, l’égyptologue Melvin Kyle a rappelé dans The Hittite Vindication (La légitimation des Hittites) une conversation antérieure avec un estimé collègue, en écrivant : « En 1904, l’un des plus grands archéologues européens m’a dit : ‘Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu de peuple tel que les Hittites …’ ». Il est probable que cet individu était Sir Ernest Alfred Thomson Wallis Budge, le célèbre égyptologue. (Lisez l’article de Dave Armstrong, « ‘Higher’ Hapless Haranguing of Hypothetical Hittites (19th C.) » / « Harangue ‘supérieur’ infructueuse sur d'hypothétiques Hittites (19e siècle) » pour plus d’informations.)

Le géologue évolutionniste George Frederick Wright a noté que les Hittites étaient cités non seulement comme un exemple d’une erreur dans la Bible, mais aussi comme une preuve de la fausseté générale du livre lui-même. Il a écrit : « [L]es nombreuses références de la Bible à ce peuple mystérieux n’ont été confirmées par aucune autre autorité historique, de sorte que beaucoup ont considéré les déclarations bibliques comme mythiques et comme une indication du manque général de fiabilité de l’histoire biblique » (« The Testimony of the Monuments to the Truth of the Scriptures » / « Le témoignage des monuments à la vérité des Écritures », 1910 ; c’est nous qui soulignons tout au long).

À l’époque de la missive de Wright, le récit concernant les Hittites avait soudainement changé.

« Tous les doutes exprimés autrefois quant à l’exactitude des nombreuses affirmations bibliques concernant les Hittites sont aujourd’hui considérés comme dus à notre ignorance », a écrit M. Wright. « C’est l’ignorance pure, et non une connaissance supérieure, qui a conduit tant de gens à discréditer ces arguments. Quand apprendrons-nous le caractère peu probant des témoignages négatifs ? »

Deux ans plus tard, en 1912, le Dr Melvin G. Kyle observait que « personne ne dit aujourd’hui qu’un peuple comme les Hittites n’a jamais existé ».

Quelle est la cause de cette soudaine volte-face ?

Premières découvertes

Les premiers vestiges du royaume hittite ont été découverts en Turquie du début jusqu’au milieu du 19e siècle. En 1834, l’archéologue français Félix Marie Charles Texier a découvert des ruines monumentales à Boğazköy (centre-nord de la Turquie). Ce n’était qu’en 1886 que son compatriote Georges Perrot, archéologue ayant également fouillé le site, l’a identifié pour la première fois comme Hattuša, la capitale hittite.

Entre 1893 et 1905, le site a été exploré par divers archéologues. Ils ont commencé à découvrir des tablettes cunéiformes d’argile écrites en langue akkadienne et dans une autre langue, alors obscure.

Alors que les ruines antiques de Hattuša étaient mises au jour au cours du 19e siècle, les chercheurs commençaient à découvrir un certain nombre de langues anciennes disparues depuis longtemps. Jean-François Champollion a été le fer de lance de ce célèbre projet. Au cours des premières décennies du 19e siècle, il a utilisé la pierre de Rosette, récemment découverte, pour déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens. Au cours de ce même siècle, plusieurs langues cunéiformes ont été déchiffrées, notamment le perse, le babylonien, l’akkadien et le sumérien. Les érudits n’ont plus eu besoin de s’appuyer sur les premiers historiens classiques qui écrivaient dans des langues compréhensibles comme le grec et le latin ; les archives mêmes des anciennes civilisations pouvaient elles-mêmes être lues et comprises. De nouvelles frontières s’ouvraient à la compréhension.

Les découvertes de Texier ont été les premières étapes de la découverte de l’identité hittite. Plus tard, des archéologues tels que Hugo Winckler et Kurt Bittel ont effectué une grande partie du travail de base pour découvrir le royaume hittite. Au fur et à mesure de leurs découvertes, un débat important s’est engagé sur la question de savoir s’il était possible de les qualifier de « Hittites »—et si les références égyptiennes nouvellement découvertes à un mystérieux royaume nommé « Kheta » pouvaient faire allusion à la même chose.

Peu à peu, un consensus s’est dégagé sur le fait que les Hittites avaient non seulement existé, mais qu’ils représentaient une force majeure dans le monde antique, rivalisant avec la puissance de l’Égypte, et qu’ils étaient établis en Anatolie, l’actuelle Turquie. Ce consensus a connu un tournant majeur en 1906, avec l’une des découvertes archéologiques les plus remarquables de l’histoire.

Une archive royale

En 1906, Winckler et son équipe ont concentré leurs fouilles sur ce qui semblait être une zone de forteresse royale à Hattuša. Ce qu’ils ont découvert cette année-là les a stupéfiés et reste encore aujourd’hui difficile à saisir : des archives royales contenant plus de 10 000 tablettes d’argile inscrites. La quantité de tablettes découvertes à Boğazköy en fait l’une des découvertes archéologiques les plus impressionnantes de l’histoire. Mais que disaient ces tablettes ?

La plupart des tablettes étaient écrites en akkadien, la lingua franca diplomatique du deuxième millénaire avant Jésus-Christ—une langue que les linguistes pouvaient déjà interpréter. Mais un pourcentage important des tablettes contenait une langue inconnue. Grâce à certaines tablettes déjà découvertes au cours des décennies précédentes, des progrès ont été réalisés dans l’identification de cette langue. L’utilisation de la même écriture cunéiforme que l’akkadien a permis d’identifier assez facilement les sons phonétiques ; la signification de ces sons était bien sûr une autre histoire.

Le professeur Beckman a écrit : « La première tentative significative de traduction d’un texte hittite a été faite par le chercheur norvégien J. A. Knudtzon, qui [...] n’était même pas conscient qu’il avait affaire à du hittite » (op cit). Les premiers textes sur lesquels Knudtzon a travaillé provenaient en fait des archives d’el-Amarna, datant du 14e siècle avant Jésus-Christ, découvertes en Égypte en 1887—plusieurs des 300 tablettes d’argile constituaient des lettres échangées entre le souverain hittite et le pharaon. Les noms de lieux figurant sur les textes étaient facilement identifiables et renvoyaient à la région de l’ancienne Anatolie.

En 1902, Knudtzon a été le premier à postuler que la langue hittite était indo-européenne. Pourtant, ses premières conclusions ont été rejetées par ses pairs. « Malheureusement, les arguments de Knudtzon et de ses associés n’ont pas été bien accueillis », a écrit Beckman. « Le seul éminent linguiste à déclarer sa conviction quant au caractère indo-européen de la langue des lettres d’Arzawa fut encore un autre Scandinave, Holger Pedersen. Il semble que Knudtzon lui-même ait fini par perdre confiance en son déchiffrement » (ibid).

La découverte du grand nombre de documents de Hattuša, leur analyse et leur présentation par un professeur tchèque du nom de Friedrich Hrozny en 1915 (qui avait également rejeté l’hypothèse indo-européenne dans un premier temps) ont prouvé que Knudtzon avait raison depuis le début. Au milieu des années 1920, l’identification de la langue hittite en tant qu’écriture indo-européenne a été largement acceptée (malheureusement, des années après la mort de Knudtzon). Cette reconnaissance de la nature du texte, à la lumière d’autres langues indo-européennes, a permis de déchiffrer et de comprendre enfin correctement le hittite. La langue hittite est désormais reconnue comme la plus ancienne des langues indo-européennes.

L’histoire du déchiffrement de la langue hittite ressemble beaucoup à la découverte de l’État lui-même. En ce qui concerne l’identification initiale de Knudtzon, Beckman a écrit : « Comment expliquer l’accueil si négatif d’un point de vue dont nous savons aujourd’hui qu’il était correct ? La réticence à suivre Knudtzon était due à la fois à des idées préconçues historiques et à la prudence des chercheurs : il y a un siècle, personne ne s’attendait à trouver une langue indo-européenne dans l’ancienne Asie occidentale, et les linguistes exigeaient par conséquent des preuves irréfutables avant d’accepter une telle notion... » (ibid).

Une grande partie de nos connaissances actuelles sur les Hittites provient du déchiffrement des nombreux documents découverts à Hattuša, ainsi que des sources hiéroglyphiques et cunéiformes égyptiennes et mésopotamiennes contemporaines. À côté de cela, il existe un autre système d’écriture hittite, composé de symboles hiéroglyphiques, connu sous le nom de « Luwian », dont le principal déchiffrement a eu lieu dans les années 1970.

(Alors que nous mettions la dernière main à ce numéro, nous avons appris la découverte d’une toute nouvelle langue à Hattuša. Comme l’a annoncé la direction provinciale de la culture et du tourisme de Çorum, « une surprise inattendue a été rencontrée lors des fouilles de cette année. Dans un texte rituel de culte écrit en hittite se cachait un texte écrit dans une langue inconnue. Le professeur d’épigraphie Docteur Daniel Schwemer, de l’Université de Würzburg en Allemagne, rapporte que cette langue est identifiée comme la langue du pays de Kalašma, probablement situé à l’extrémité nord-ouest de la région centrale des Hittites »—c’est pourquoi le nouveau texte est classifié comme « langue de Kalašma. »)

Une capitale digne d’un empire

Les fouilles de Winckler à Boğazköy se sont poursuivies pendant six ans, révélant encore davantage la capitale fastueuse d’un empire disparu. Ce qu’il a trouvé était vraiment sensationnel. Au-delà d’immenses archives royales, il a découvert une ville antique dotée de remparts, de temples, de palais, de fortifications et de portes d’entrée. Pour Winckler et ses associés, il ne fait aucun doute que l’ancienne ville de Hattuša était la capitale d’un vaste et puissant royaume.

Le site de l’ancienne ville est vraiment monumental, digne d’un puissant empire. Hattuša est située dans une région de steppes, sur un plateau incliné à quelque 300 mètres au-dessus du fond de la vallée. La ville est entourée d’une enceinte de plus de 8 kilomètres. À son apogée, la ville devait abriter environ 50 000 personnes vivant sur une superficie d’environ 1,8 kilomètres carrés.

La capitale est divisée en une ville haute et une ville basse. Les fortifications de la ville haute comprennent plus de 100 tours, ainsi que cinq portes monumentales ornementées en pierre (dont la célèbre « porte du Lion », souvent représentée, et une « porte du Sphinx »). De nombreux temples sont situés dans les villes haute et basse, dédiés à la pléthore de dieux et de déesses hittites et hourrites (apparentés) ; les Hittites eux-mêmes appelaient Hattuša la « ville aux mille dieux ». Des reliefs à grande échelle couvrent les parois rocheuses du site, représentant des dieux, des déesses, des membres de la famille royale et des inscriptions.

Qui étaient ces gens ?

Les Hittites en bref

Le terme Héthien (ou Hittite) vient de la traduction française du terme biblique hébreu désignant ce peuple, יתח—un mot hébreu se prononçant Heti/Kheti. Ce terme est lié au patriarche תח, prononcé Het/Khet, mentionné dans Genèse 10 : 15 et 1 Chroniques 1 : 13. La forme hiéroglyphique égyptienne ancienne de ce nom est presque identique.

L’essor et le déclin du royaume hittite se sont produits au cours du deuxième millénaire avant Jésus-Christ. Cette histoire hittite peut être divisée en périodes générales comme suit : une période pré-royaume, la période hittite primitive (vers les 20e à 17e siècles avant Jésus-Christ), la période de l’Ancien royaume (17e à 15e siècles avant Jésus-Christ), la période du royaume du milieu (15e à 14e siècles avant Jésus-Christ), la période du Nouveau royaume (14e à 12e siècles avant Jésus-Christ), et enfin une décentralisation en des États « syro-hittites » plus petits (ou des « mini-royaumes ») qui ont existé entre le 12e siècle et le début du premier millénaire avant Jésus-Christ.

Ces divisions sont remarquablement proches de la manière dont les Héthiens sont mentionnés dans le récit biblique. Au cours de la période pré-royaume ou la période hittite Primitive—l’époque des patriarches bibliques—les Héthiens sont principalement désignés comme « enfants de Heth », « fils de Heth » et « filles de Heth ». On trouve également une allusion à leur territoire à cette époque comme étant composé de nations, au pluriel—plutôt qu’un royaume fortement unifié (Genèse 14 : 1, traduction Darby). Après la vie de Jacob (Genèse 49 : 32), et en même temps que l’avènement de l’Ancien royaume au milieu du 17e siècle avant Jésus-Christ, la Bible ne fait plus jamais référence à ce peuple en tant qu’enfants, fils ou filles de Heth, mais plutôt sous le titre collectif de Héthiens. Puis, à l’époque du roi Salomon (au début du premier millénaire avant Jésus-Christ), la Bible décrit ses relations avec « tous les rois des Héthiens » (1 Rois 10 : 29)—ce qui correspond parfaitement à l’empire hittite décentralisé en divers États syro-hittites dirigés par plusieurs rois mineurs.

L’histoire générale des Hittites s’accorde remarquablement bien avec la manière spécifique dont les Héthiens sont décrits dans la Bible.

Les patriarches bibliques et les premiers Héthiens

Bien que les recherches laïques modernes aient mis relativement longtemps à reconnaître l’existence des Hittites, l’histoire de ce peuple est présente tout au long du récit biblique. Après une première mention de l’ancêtre hittite, Heth (l’arrière-petit-fils de Noé, par l’intermédiaire de son fils Cham—Genèse 10 : 15), les premières mentions d’individus portant cette appellation patronymique remontent à l’époque du patriarche Abraham.

Genèse 15 décrit l’alliance que Dieu a conclue avec les descendants d’Abraham concernant divers territoires, y compris des terres occupées par les Hittites (versets 18-20). Genèse 23 mentionne l’achat par Abraham de terres en Canaan à « Éphron, le Héthien » pour l’enterrement de sa femme Sara. Diverses autres interactions personnelles avec les Hittites y sont décrites.

Notre article « Quelle était l’époque des patriarches ? » examine le débat chronologique concernant la date d’entrée en scène d’Abraham. Nous avons conclu que le récit biblique correspondait le mieux au début du deuxième millénaire avant Jésus-Christ—plus précisément, en situant la vie d’Abraham entre les 20e et 18e siècles avant Jésus-Christ. Cela correspond à la première période de l’histoire hittite, juste avant le début de la période de l’Ancien royaume.

Naturellement, les premières périodes de l’histoire hittite sont comparativement moins bien attestées dans les archives archéologiques. Le regretté professeur Aharon Kempinski, de l’université de Tel Aviv, a résumé les premiers habitants du territoire hittite dans son article paru dans la Biblical Archaeology Review (Revue d’archéologie biblique) intitulé « Hittites in the Bible : What Does Archaeology Say ? » (« Les Hittites dans la Bible : que dit l’archéologie ? »). « Nous avons maintenant des raisons de penser que les Hittites [...] sont venus d’Europe par les Dardanelles [...] vers la seconde moitié du [troisième] millénaire [avant Jésus-Christ], ils ont pénétré au cœur du plateau anatolien. Là, ils se sont mélangés aux populations autochtones (proto-)Hattis. [...]

« [Proto-Hattis] fait référence à la population pré-hittite d’Anatolie, qui n’était pas indo-européenne. Dans la littérature scientifique, le nom ‘Hattis’ ou ‘proto-Hattis’ est employé pour désigner cette population indigène. C’est de là que les Hittites tirent leur nom » (septembre-octobre 1979).

Dans son article « The History of the Hittites » (L’histoire des Hittites) publié en 1989 par Biblical Archaeologist (Archéologue biblique), le professeur Gregory McMahon écrit : « Ce que nous appelons la civilisation hittite est un mélange de la culture primitive des Hattis et celle des nouveaux arrivants indo-européens et, plus tard, avec la culture des Hourrites du nord de la Mésopotamie. »

Ainsi, ce sont les Hattis indigènes, plutôt que les Hittites mieux connus, qui peuvent être considérés comme les descendants directs du patriarche biblique Heth. De toute évidence, leur nom s’est imposé sur le territoire. Trevor Bryce explique dans son livre de 1998, The Kingdom of the Hittites (Le royaume des Hittites), que les anciens Hittites se désignaient généralement eux-mêmes comme les « habitants du pays de Hatti » (ou « la terre de Hatti »)—et pas nécessairement comme les descendants de Hatti eux-mêmes.

Il est donc possible que les « enfants de Heth » de la Bible, auxquels les patriarches ont eu affaire, étaient eux-mêmes des Hattis, des descendants littéraux de Heth—tandis que d’autres références générales de la Bible aux « Héthiens » pourraient désigner soit les Hattis indigènes, soit les Hittites indo-européens, soit un amalgame des deux.

Au cours de l’âge du bronze moyen (du 20e au début du 17e siècle avant Jésus-Christ), le territoire de l’Anatolie se composait de nombreuses petites entités politiques. Selon Kempinski, à cette époque, « les Hittites étaient déjà installés dans la plupart des régions d’Anatolie centrale où ils ont établi de petites principautés ».

Quatre tablettes anciennes, qui aurait été écrites au 18e siècle avant Jésus-Christ, révèlent une rivalité particulière entre deux familles royales hittites, l’une contrôlant un territoire dans le nord de l’Anatolie, l’autre dans le sud.

La nature plus fragmentée de la période pré-royaume ou la période hittite Primitive correspond à un récit biblique spécifique. Genèse contient le célèbre récit de l’invasion du roi élamite Kedorlaomer et de ses alliés dans le Levant, laissant un sillage de destruction, avant qu’ils ne soient défaits à leur tour par Abraham et sa bande de 318 hommes. L’un de ces alliés antagonistes de Kedorlaomer était « Tideal, roi de Gojim ». Cet individu et son entité territoriale ont longtemps été considérés comme hittites (ou « proto-hittites »). Cela est dû au parallèle linguistique entre son nom et celui de plusieurs souverains hittites ultérieurs, les Tudhaliya. Et malgré les documents fragmentaires concernant cette période hittite primitive, plusieurs chercheurs ont avancé l’hypothèse d’un « roi proto-hittite », Tudhaliya Ier, qui serait entré en scène à peu près à cette époque, durant la première moitié du deuxième millénaire avant Jésus-Christ.

Le Peake’s Commentary déclare : « Le nom de Tideal est certain (Tidh’al en hébreu), qui apparaît en Ougarit comme tdghl [correspondant au] hittite Tudkhaliya et Tudkhul’a dans les textes de Spartoli… ». Ce nom est courant dans les textes cappadociens du 19e siècle avant Jésus-Christ et apparaît fréquemment parmi les noms des rois et des nobles hittites des siècles suivants. » Le professeur McMahon a écrit à propos de ce personnage associé au Tideal de la bible : « Tudhaliya Ier est un personnage obscur dont l’existence est incertaine. Il a d’abord été proposé comme le premier roi de ce nom parce que le nom de Tudhaliya a été trouvé au début d’une variante des listes sacrificielles comme le père d’un PU-šarruma [...] (kub xi 7) » (op cit).

Le titre territorial de ce Tideal/Tudhaliya de la bible conviendrait bien. Le mot hébreu « Goiim » [Gojim] désigne de manière générique les « peuples » ou les « nations ». Cela correspondrait à la nature de la ménagerie anatolienne Pré-Royaume d’entités tribales durant cette période de début du deuxième millénaire. Selon le professeur Kenneth Kitchen, cela correspond à « la nature fragmentée du pouvoir politique en Anatolie aux 19e et 18e siècles avant Jésus-Christ, d’après les archives des marchands assyriens en Cappadoce » (« The Patriarchal Age », « L’époque des patriarches »).

Période de l’Ancien Royaume hittite

L’ancien royaume hittite débute officiellement du milieu à la fin du 17e siècle avant Jésus-Christ, lorsque son géniteur, Hattušili Ier, consolida son contrôle sur l’ensemble de l’Anatolie et les régions septentrionales de la Syrie. (Notez qu’il y a un débat sur le fait qu’il soit le premier roi ; sinon, un méconnu « Labarna » est parfois considéré—bien que certains pensent qu’il s’agit simplement d’un nom personnel de Hattušili Ier). L’édit de Telepinu du 16e siècle avant Jésus-Christ (catalogué cth 19), un document composé de 24 tablettes et fragments de tablettes découverts dans les archives d’Hattuša, est un texte clé pour comprendre l’histoire de l’ancien royaume hittite. Ce document permet aux chercheurs de reconstituer la chronologie des premiers rois hittites.

L’Édit résume en partie le règne de Hattušili Ier : « Hattušili était roi, et ses fils, ses frères, ses beaux-parents, les membres de sa famille et ses troupes étaient tous unis. Partout où il partait en campagne, il contrôlait les terres ennemies par la force. Il détruisait les terres l’une après l’autre, leur enlevait leur pouvoir et traçait les frontières sur la mer. »

Muršili Ier, petit-fils de Hattušili Ier, lui a succédé. La montée en puissance fulgurante de l’Empire hittite est bien illustrée par la campagne de Muršili à Babylone vers 1590 avant Jésus-Christ et le sac de la ville, mettant fin à l’ancien Empire babylonien (comme le décrivent l’Édit et la Chronique mésopotamienne 40 du 14e siècle).

Cependant, des querelles intestines ont entaché l’Empire hittite, en particulier au sein de la classe dirigeante. L’Édit révèle que Muršili Ier a été assassiné par son beau-frère Hantili Ier, avec l’aide du gendre de Hantili, Zidanta Ier. Après la mort de Hantili, Zidanta a assassiné l’héritier légitime et s’est installé sur le trône hittite. Après un règne de dix ans, Zidanta a été assassiné par son propre fils, Ammuna. À la mort d’Ammuna, il semble que ses deux fils, Titiya et Hantili, ont été assassinés, à la suite de quoi Huzziya Ier—soit un fils mineur, soit un usurpateur—s’est installé sur le trône. Après un court règne de cinq ans, Huzziya a été déposé et exilé par son beau-frère, Telepinu, et a ensuite été tué.

Exode, conquête et période du royaume du milieu

Après le règne de Telepinu, l’Empire hittite est entré dans une période d’obscurité du 15e au 14e siècle avant Jésus-Christ. Cette période constitue ce que l’on appelle souvent le royaume du milieu. L’une des raisons possibles de la faiblesse et de l’anonymat de cette période semble être les attaques menées depuis le nord par une population riveraine de la mer Noire connue sous le nom de Gasgas.

Peut-être pas par coïncidence, cette même période s’aligne avec la chronologie biblique pour l’exode israélite d’Égypte et le début de la conquête de la Terre promise. La terre des « Hittites » était comprise dans la terre promise aux descendants d’Abraham.

Bien que les documents relatifs au royaume du milieu soient rares, certains textes subsistants, appelés les « Instructions royales hittites », constituent des directives à l’intention des fonctionnaires et des officiers. Le professeur McMahon a noté : « Ces textes montrent clairement la priorité accordée à la protection des frontières et à la surveillance des territoires voisins hostiles pendant le royaume du milieu hittite, une période de faiblesse militaire » (op cit).

Datant du milieu du 14e siècle avant Jésus-Christ, un texte hittite, connu sous le nom de Prière d’Arnuwanda Ier et d’Asmunikal à la déesse-soleil d’Arinna (cth 375), met en évidence le désespoir et la gravité de la situation politique et sociale de l’époque. Le roi Arnuwanda Ier et sa reine pleurent la perte des villes conquises et implorent les dieux, leur rappelant qu’ils les ont servis avec diligence et aimés.

Pourrait-il y avoir un lien entre cette période d’instabilité—en particulier le long des frontières hittites—et la période de l’Exode et de la conquête israélite, qui incluait ces terres promises à la frontière nord ? (Voir Genèse 15 : 18-21, Nombres 13 : 29 et Néhémie 9 : 8). À plusieurs reprises, les Hittites sont mentionnés en tête de la liste des entités à conquérir par les Israélites (par exemple Deutéronome 7 : 1 ; 20 : 17). Josué 1 : 4 contient des informations sur les territoires hittites destinés à être conquis.

Dans un récit de conquête inhabituel, un habitant de Béthel a livré un point d’entrée de la ville, ce qui a entraîné sa destruction par les Israélites. Lui et sa famille ont été libérés : « Cet homme se rendit dans le pays des Héthiens ; il bâtit une ville, et lui donna le nom de Luz, nom qu’elle a porté jusqu’à ce jour » (Juges 1 : 26). Bryant Wood écrit à propos de ce verset : « Bien qu’aucun indice ne soit donné quant à la localisation de íéúçä õøà (‘eres hahittim) dans ce verset, l’expression est la même que dans Josué 1 : 4, suggérant la région de l’Anatolie. Le milieu du 14e siècle correspond à l’époque du roi hittite Tudhaliya iii, lorsque Hatti était harcelé par des attaques venant de l’ouest et du nord » (« Hittites and Hethites : A Proposed Solution to an Etymological Conundrum » [« Hittites et Héthiens : Proposition de solution à une énigme étymologique »], 2017).

Josué 11 énumère les Hittites au sein d’une alliance avec « Jabin, roi de Hatsor » visant à combattre les Israélites. La Bible décrit leur défaite face à Josué et aux Israélites : « On [Israël] frappa du tranchant de l’épée et l’on dévoua par interdit tous ceux qui s’y trouvaient, il ne resta rien de ce qui respirait, et l’on [Josué] mis le feu à Hatsor » (verset 11 ; des preuves de cette destruction par le feu ont été trouvées à Tel Hazor).

« Josué prit aussi toutes les villes de ces rois et tous leurs rois, et il les frappa du tranchant de l’épée, et il les dévoua par interdit... » (verset 12). Ces versets prennent un sens nouveau dans le contexte des Hittites du royaume du milieu, dont la population avait beaucoup diminué.

Bien entendu, comme le montrent à plusieurs reprises les livres de Josué et des Juges, les Israélites n’ont pas réussi à mener la conquête à son terme (en particulier au nord). « Et les enfants d’Israël habitèrent au milieu des Cananéens, des Héthiens, des Amorites, des Phéréziens, des Héviens, et des Jébusiens ; ils prirent leurs filles pour femmes, ils donnèrent à leurs fils leurs propres filles, et ils servirent leurs dieux » (Juges 3 : 5-6). Le même passage décrit que les diverses entités restantes sont devenues une épine dans le pied d’Israël, afin que ce dernier apprenne « la guerre » (verset 2).

Ainsi, au milieu du 14e siècle avant Jésus-Christ, le régime hittite s’est agrandi à nouveau, atteignant de nouveaux sommets de puissance dans ce que l’on appelle la période du Nouveau royaume.

Période du Nouveau royaume hittite

Cette période, qui s’étend du 14e au 12e siècle avant Jésus-Christ, est souvent appelée la période de l’Empire hittite. Au cours de cette période d’apogée, la royauté n’était pas seulement devenue héréditaire, mais avait également acquis un statut divin dans le style égyptien. Des textes révèlent que les citoyens hittites appelaient leurs souverains « mon Soleil ».

L’un des principaux souverains du Nouveau royaume était le roi Šuppiluliuma Ier, du milieu du 14siècle, qui a considérablement renforcé les frontières de l’Empire hittite. Cependant, pendant son règne, une épidémie de tularémie a dévasté l’empire, tuant finalement le roi et son successeur. Au cours de cette épidémie, les Hittites ont été attaqués par le royaume d’Arzawa. Les Arzawiens ont été repoussés par des béliers hittites infectés, ce qui constitue le premier cas documenté de guerre biologique intentionnelle.

L’expansion hittite au cours du Nouveau royaume s’est étendue jusqu’au sud du Levant. Le long de cette frontière méridionale de l’empire, les deux puissances régionales dominantes de l’époque—l’Empire hittite et l’Empire égyptien (chacun dans sa propre période du « Nouveau royaume »)—ont rivalisé pour la domination. Au milieu se trouvait la nation israélite, relativement faible, qui se situait chronologiquement dans la première moitié de sa difficile période des juges.

Au cours de cette période, l’une des batailles les plus tristement célèbres de l’histoire s’est déroulée entre l’Égypte et les Hittites : la bataille de Qadesh. On critique parfois l’absence de mention de cet événement crucial dans le récit biblique. Mais Israël était dans un état d’anarchie nationale pendant la période des juges (Juges 21 : 25). Malgré cela, il existe une allusion biblique assez spectaculaire (bien que circonstancielle) à cet événement monumental du 13ème siècle avant Jésus-Christ.

La bataille de Qadesh

Dans « On the Interpretation of the Kadesh Record » (« Sur l’interprétation du récit de Qadesh »), le professeur Boyo Ockinga a écrit : « Aucune bataille de l’Antiquité n’est aussi bien documentée que l’affrontement entre les Égyptiens et les Hittites devant la ville de Qadesh, sur l’Oronte, en 1274 avant Jésus-Christ. »

La bataille de Qadesh était une lutte pour le contrôle de la bande levantine. Opposant Ramsès II d’Égypte à Muwatalli II de l’Empire hittite, cette bataille est souvent citée comme l’une des plus grandes batailles de chars de l’histoire, avec—et ça dépend de la source—environ 6 000 chars sur le champ de bataille (peut-être beaucoup plus), et jusqu’à 70 000 combattants. Cette bataille record témoigne de certaines des plus anciennes formations et stratégies militaires documentées, et s’est terminée par le premier traité de paix connu au monde.

La bataille de Qadesh est bien documentée dans les sources égyptiennes, dans ce que l’on appelle aujourd’hui les inscriptions de Qadesh. Les inscriptions de Qadesh se présentent sous deux formes principales : le « Poème » et le « Bulletin. » Le « Poème » détaille les participants à la bataille—Égyptiens, Hittites et alliés. Le « Bulletin » est plutôt un long texte qui accompagne des reliefs muraux, répété plusieurs fois dans divers temples en Égypte.

Bien que ces inscriptions constituent la principale source de connaissances sur la bataille, étant donné leur provenance égyptienne, elles sont écrites d’un point de vue égyptien et sont donc naturellement partiales. L’issue de la bataille de Qadesh fait encore l’objet de débats. Un traité de paix a été signé 13 ans après la bataille, mais les deux camps ont revendiqué la victoire. Les chercheurs pensent que les Égyptiens ont remporté une plus grande « victoire » sur le plan moral, mais en termes pratiques, ce sont les Hittites qui ont été les vrais vainqueurs. « Sous la direction de Muwatalli, les Hittites ont surpassé l’armée égyptienne dirigée par Ramsès II, qui a eu la chance d’en réchapper », a écrit McMahon. De plus, « le contrôle continu de la région par les Hittites indique que la victoire appartenait aux Hittites » (op cit).

On ne sait pas exactement combien de territoires restaient sous contrôle de l’Égypte au nord de Canaan. Il n’y a pratiquement aucune référence hittite à la bataille (à l’exception des références circonstancielles trouvées dans les archives de Hattuša). Une référence intéressante, cependant, se présente sous la forme d’un document égyptien conservé dans le papyrus égyptien Raifet et le papyrus Sallier iiI—une lettre de Ramsès à Hattušili iii se moquant d’une plainte qu’il avait manifestement reçue du roi hittite concernant la représentation d’une victoire égyptienne de la bataille.

À cette époque du récit biblique (vers le 13e siècle avant Jésus-Christ), nous trouvons un récit assez remarquable et unique qui concerne spécifiquement le nord d’Israël (la région la plus proche du lieu de la bataille de Qadesh). « Et l’Éternel les vendit [les Israélites] entre les mains de Jabin, roi de Canaan, qui régnait à Hatsor. Le chef de son armée était Sisera, et habitait à Haroscheth-Goïm. Les enfants d’Israël crièrent à l’Éternel, car Jabin avait neuf cents chars de fer, et il opprimait avec violence les enfants d’Israël depuis vingt ans » (Juges 4 : 2-3).

La force de Sisera, composée de « neuf cents chars de fer », est la seule mention biblique significative de chars pendant la période des juges, qui s’étend sur plusieurs siècles. Ce genre de force incroyable est normalement risible—jusqu’à ce que le contexte historique parallèle de la bataille de Qadesh soit pris en compte. (Non seulement cela, mais le nom même du capitaine « Sisera » est comparable au titre égyptien Ses-Ra, « serviteur de Râ »—et était le nom de l’une des quatre divisions de chars de l’Égypte à Qadesh. Il est possible que ce capitaine ait été un mercenaire.

Le chant de la prophétesse et juge Déborah fait référence à la victoire finale des Israélites sur ce dirigeant régional cananéen. Elle fait par ailleurs une allusion étrange au combat des rois juste avant cette oppression cananéenne dominée par les chars. « Les rois vinrent, ils combattirent, alors combattirent les rois de Canaan... » (Juges 5 : 19).

Ce récit biblique s’inscrit parfaitement dans le cadre de la grande « bataille des rois » historique, au cours de laquelle une quantité sans précédent de chars a été introduite dans la région et aurait été vraisemblablement abandonnée après la bataille.

Effondrement de l’âge du Bronze

Le siècle ayant suivi la bataille de Qadesh a vu le déclin et l’effondrement de l’Empire hittite (1190 avant Jésus-Christ) et de pratiquement toutes les puissances environnantes, y compris les Égyptiens, les Mycéniens et même les puissances mésopotamiennes. Cette période énigmatique est connue sous le nom d’« effondrement de l’âge du bronze ». Les causes de cet effondrement font l’objet de nombreux débats, les différentes interprétations évoquant des catastrophes environnementales, la montée en puissance des mystérieux « Peuples de la mer » et leurs conquêtes, ou une combinaison de ces facteurs.

Ce qui est assez bien confirmé, ce sont les périodes de sécheresse et de famine. Plusieurs textes hittites du 13e siècle font référence à des famines et à des pénuries de céréales. Au milieu du 13e siècle avant Jésus-Christ, un souverain hittite écrit au pharaon Ramsès II : « Je n’ai pas de céréales sur mes terres. » Le pharaon égyptien suivant, Mérenptah, a remarqué que des cargaisons de céréales avaient été envoyées afin de « maintenir en vie le pays de Hatti » (vers 1210 avant Jésus-Christ).

Cette preuve textuelle va de pair avec des recherches récentes, publiées en février de cette année, dans lesquelles l’analyse dendrochronologique d’anciens genévriers d’Anatolie a révélé une sécheresse soudaine, sévère et pluriannuelle au début du 12e siècle avant Jésus-Christ. Cela s’ajoute aux recherches publiées en 2013 par des scientifiques de l’Université de Tel Aviv et de l’Université allemande de Bonn, sous la direction du professeur Israël Finkelstein, arrivant aux mêmes conclusions pour le Levant. Leur examen d’échantillons de pollen provenant de carottes de sédiments extraites de la mer de Galilée et du oued Zeelim, en Israël, a montré qu’au cours des 13e à 12e siècles avant Jésus-Christ, il y a eu une diminution soudaine de l’activité agricole qui nécessitait de grandes quantités d’eau et une augmentation correspondante de l’exploitation d’arbres de climat sec. Les chercheurs ont identifié ce phénomène comme étant le résultat de sécheresses successives au cours de cette période.

Cela correspond bien à un autre récit de la période des juges dans le livre de Ruth. Le prétexte de ce livre est une famine de plusieurs années « du temps des juges » (Ruth 1 : 1) Cette famine était si grave que les Israélites décrits dans le récit ont été contraints de « faire un séjour dans le pays de Moab ».

Le cadre de l’effondrement régional général lié à la sécheresse et à la famine est clairement établi par les preuves bibliques, archéologiques et agricoles. Toutefois, selon le professeur Eric Cline, la sécheresse et la famine n’étaient qu’une partie de la raison de la chute de la civilisation hittite et des civilisations environnantes. « À mon avis, la sécheresse n’était qu’un des nombreux problèmes auxquels les Hittites et d’autres civilisations étaient confrontés à l’époque », écrivait-il. « Il y a eu une cacophonie de catastrophes qui ont conduit non seulement à l’effondrement de l’Empire hittite, mais aussi à celui d’autres puissances. Il s’agit notamment du changement climatique, qui a entraîné la sécheresse, la famine et les migrations, des tremblements de terre, des invasions et des rébellions internes, de l’effondrement des systèmes et, très probablement, des maladies aussi. Tous ces facteurs ont probablement contribué à la « tempête parfaite » qui a mis fin à cette époque, surtout s’ils se sont succédé rapidement, entraînant des effets domino et multiplicateurs et une défaillance catastrophique de l’ensemble du système interconnecté » (« Tree Rings, Drought, and the Collapse of the Hittite Empire » / « Cercles de croissance d’arbre, sécheresse et l’effondrement de l’Empire hittite »).

Finalement, les soulèvements en Anatolie centrale ont abouti à la destruction de la capitale hittite Hattuša, vers 1180 avant Jésus-Christ, et à la fin de la période du Nouveau royaume avec son dernier roi, Šuppiluliuma ii.

Les Hittites à l’époque du royaume israélite

Bien que l’empire lui-même se soit désintégré, le récit biblique contient plusieurs autres références aux Hittites. La fréquence de ces références à partir de ce moment (début du premier millénaire avant Jésus-Christ) est remarquable.

Il y a les références individuelles à Akhimélek le Héthien ainsi qu’au tristement célèbre Urie le Héthien, l’un des soldats de David et l’époux de Bath Schéba. Il convient également de noter les références aux relations de Salomon avec « tous les rois des Héthiens » (1 Rois 10 : 29), qui témoignent de la multiplicité des chefs Héthiens fragmentés et tribaux de l’époque. (Cette expression est reprise en 2 Chroniques 1 : 17 et 2 Rois 7 : 6). 1 Rois 9 : 20-21 et 2 Chroniques 8 : 7-8 décrivent que Salomon exigeait un tribut des Hittites, qui sont devenus ses « serviteurs ».

L’histoire laïque atteste de ce statu quo (voir carte, page 19), l’entité hittite s’étant transformée en une succession régionale disjointe d’« États syro-hittites » vassaux au cours de la première partie du premier millénaire avant Jésus-Christ. « [L]e mot « rois », au pluriel, correspond très bien à la nature de ces États, qui n’étaient pas unifiés en une seule entité mais consistaient en plusieurs petits royaumes », a écrit le professeur McMahon. « Des documents assyriens datant du premier millénaire avant Jésus-Christ désignent le nord de la Syrie comme le pays de Hatti, reflétant la présence continue de petits États hittites dans la partie méridionale de l’ancien Empire hittite » (op cit). Ces entités ont fini par être absorbées par l’Empire assyrien de Sargon II, en pleine expansion, à la fin du huitième siècle avant Jésus-Christ

À partir de ce moment, les Hittites ont été entièrement enveloppés dans le brouillard obscur de l’histoire. À tel point que la Bible est restée la seule source reconnue de preuves textuelles concernant ce royaume autrefois puissant.

Les Hittites constituent une étude de cas fascinante, non seulement en ce qui concerne les agissements d’un ancien empire et de son peuple, mais aussi les progrès de la recherche scientifique au cours des deux derniers siècles, depuis les doutes et les moqueries initiaux jusqu’à la réalisation de découvertes remarquables correspondant aux écritures mêmes qui étaient considérées comme des fables. (Voir page 31 pour un examen plus approfondi de la question de savoir dans quelle mesure les découvertes archéologiques correspondent au récit biblique des Hittites en Canaan.)

Nous disposons aujourd’hui de preuves indéniables de l’existence de ce grand empire d’autrefois. Pour reprendre les termes du Dr Melvin Kyle, « [P]ersonne ne dit aujourd’hui qu’un peuple tel que les Hittites n’a jamais existé. »